Anacaona  par  Marie-Agnès Sourieau

Sourieau  est  professeur  de Langues modernes  et de  Littérature à Fairfield University. Elle a co - édité Ecrire en pays assiégé  (2004) et Caribbean Creolization: Reflections on the Cultural Dynamics of Language, Literature, and Identity /  Créolisation caribéenne : Réflexions sur les dynamiques culturelles de la langue, la littérature et l’identité  (1998).

Selon  la chronique coloniale espagnole, l’île  d’Haïti, en 1492, était divisée en cinq  royaumes peuplés par au moins un million d’Indiens. Le  Cacique Caonabo (le Chef d’or)  régnait sur le  Royaume de Maguana tandis que son épouse, la radieuse et raffinée Anacaona (la Fleur d’or),  poétesse et  musicienne, dirigeait  le Xaragua.  

Quand en 1500 l’administration d’ Hispaniola était entre les mains de Nicolás  Ovando, le rival de Christophe Colomb, la population native a été  mise en esclavage dans des durs labeurs et forcée de payer un tribut exorbitant. Au  cours de dix années, les Indiens étaient  sur le point d’être exterminés, excepté  ceux vivant sous le règne  d’Anacaona. En effet, le royaume  du Xaragua n’était pas totalement contrôlé par les Espagnols, bien que ce royaume leur paye des tributs.  Fernández Oviedo, le premier historien d’Hispaniola, rapporte que la reine Anacaona était  « courtoise, avec des discours et de  bonnes manières et loyale amie des  Chrétiens ». 

En 1503, voulant la paix, et possiblement impressionnée par la pompe éblouissante des Espagnols,  Anacaona   a accepté un traité de paix avec eux. En vue de sceller l’amitié, elle avait organisé des festivités pour le   gouverneur Ovando et son entourage durant lesquelles des « areytos » (des  ballades et des poèmes narratifs taínos) qu’elle avait composés  furent  chantés  accompagnés au tambour. A son tour,  Ovando invita Anacaona et son peuple à un grand festin dans un  vaste terrain en présence de son armée. Sous un signal - Ovando mit sa main sur la croix d’Alcántara sur sa poitrine -  la maison de rencontre fut  mise en feu  et  les Espagnols  se jetèrent  sur les Indiens et les massacrèrent. Ils  saisirent Anacaona et  sa suite, les torturèrent  hideusement  avant de les exécuter. La belle Reine du Xaragua fut pendue  publiquement à Santo Domingo  quelques jours plus tard.

Ce génocide ne devrait jamais être oublié et, lentement,  est devenu la métaphore de la tragique destinée de l’île et, Anacaona, la  figure mythique essentielle de la mémoire collective haïtienne.