Les Gens de Couleur par Stewart King

King est professeur d’Histoire à Mount Angel Abbey  à St. Benedict, Oregon. Il est l’auteur de Coat or Powdered Wig: Free People of Color in Pre-revolutionary Saint Domingue/Manteau ou Perruque poudrée : gens de couleur libres au Saint Domingue pré-révolutionnaire (2007).

Saint-Domingue avait entre  20, 000 et 30, 000 personnes libres descendant d’Africains en 1790 quand la Révolution haïtienne éclata. Certains d’entre eux  étaient de riches planteurs qui possédaient des  centaines d’esclaves. Souvent, ces  gens de couleur riches   étaient de race mêlée et  vivaient tout près de leurs parents blancs, comme Julien Raimond (1744-1801) qui devint   membre de l’Assemblée  Nationale Française durant la Révolution  et aida Toussaint Louverture dans la rédaction de la première Constitution haïtienne. Il y  avait aussi quelques  habitants riches  de villes, tels le marchand Anne Rossignol  (1745?-1825),  qui  naquit en Gorée, Sénégal, vint à  Saint-Domingue comme immigrant libre et qui partit pour la Floride après la Révolution. Un autre   homme de couleur libre important installé dans les villes fut  le marchand  Vincent Ogé (1750-1790),  qui a dirigé  le soulèvement des hommes de couleur au début de la Révolution haïtienne et réclamant  l’égalité des droits pour  les hommes libres de couleur.

La majeure partie des  gens de couleur étaient, bien entendu, des ouvriers ou des paysans. Beaucoup d’entre eux travaillaient comme des   artisans ou des  travailleurs  indépendants  dans les villes, faisant les travaux que les blancs ne  voulaient pas faire et pour lesquels ils ne  faisaient pas confiance aux esclaves.  L’un  parmi eux,  Jean-Baptiste Belley (1748?-1806) par exemple, avait été  amené comme esclave dans l’île au cours des années 1750,  apprit le commerce de la fabrication des perruques, gagna assez d’argent pour acheter sa liberté, devint un leader communautaire dans la capitale commerciale du Cap - Français, et alors fut élu à l’Assemblée Nationale Française après la Révolution.  D’autres  possédaient de petites fermes ou des ranchs dans les districts éloignés, quelquefois avec quelques esclaves produisant quelques denrées.  Une bonne partie de la nourriture consommée dans la colonie sur les grandes plantations et dans les villes, venait de ces  petites «  places à vivre »  ou des  marchés de jardins  opérés  par ces hommes de couleur.  
  
L’une des contributions les plus importantes  des hommes de couleur libres à la colonie  fut de servir  dans son armée. A peu près deux tiers des unités de la milice à Saint Domingue étaient constituées de soldats de couleur, tout comme l’entière maréchaussée, ou police rurale, responsable de la chasse des esclaves  échappés des plantations. Quand  la Révolution arriva, cette formation militaire  fut essentielle à beaucoup de leaders militaires des forces rebelles qui  avaient servi dans les forces de défense de la colonie.