La Révolution commence  par Carolyn Fick

Fick  est professeur associée d’Histoire  à Concordia University  à  Montréal, Canada. Elle est l’auteur de The Making of Haiti: The Saint Domingue Revolution from Below/ La Construction d’Haïti : La Révolution de Saint-Domingue par le bas (1990).

Dans  la nuit du 14  août 1791, quelques 200 leaders d’esclaves venus de toutes les plantations à travers la  plaine du nord de saint Domingue  -  cochers,  conducteurs d’esclaves, domestiques et  autres à qui les planteurs  avaient  fait confiance – se rencontrèrent au pied d’ une montagne fortement boisée, connue comme le  Morne rouge, tout près de  l’ habitation de sucre du Normand de Mézy, localisée  dans la paroisse de la plaine du nord. Là, ils discutèrent  des développements de la  situation politique en cours dans la  colonie,  mirent au point les plans définitifs et  fixèrent une date  pour l’insurrection générale  qui éclaterait dans la nuit du 22  août1791.   

Avant cet éclatement, probablement  dans la  nuit  du 21  août 1791, aussi un dimanche, la fameuse cérémonie  vaudou  du Bois Caïman  eut lieu pour sacraliser leurs décisions  de se révolter et invoquer la protection  de leurs divinités  dans  sa réalisation. C’est tout ce que nous savons  à  partir d’une ou deux sources contemporaines. Toutefois,  beaucoup de controverses existent encore  aujourd’hui  sur la localisation géographique exacte  de cet  endroit boisé  dans la plaine du nord d’Haïti. Il est présumé se trouver à quelque distance de  la  plantation Lenormand. Il y a aussi des controverses sur  le rôle joué  dans  la cérémonie par Boukman, un cocher de  l’habitation  Clément dans le voisinage de la paroisse de l’Acul, d’où il lança la rébellion dans la nuit  du 2  août1791.

Selon la tradition orale haïtienne, Boukman se dressa durant la cérémonie pour délivrer  un discours passionné incitant les adhérents à rejeter le dieu des blancs qui cherchaient   seulement à les faire souffrir, et  d’adopter leurs propres croyances africaines où leurs propres dieux guideraient leurs mains  et  les aideraient dans la guerre  à venir : «  écoutez la  voix de la liberté qui parle dans tous nos cœurs ».

Dans un sens ou dans l’autre, ces paroles de Boukman sont moins importantes que le fait que le discours  qu’il  a délivré soulignait la prédominance des croyances religieuses  africaines,  était un appel  pour la revanche  et  un appel aux armes.  La cérémonie  était  présidée par une grande prêtresse vodou, une mambo, et  un cochon noir  fut tué en sacrifice, fortement  selon les pratiques  des  rites congos. Le sang du cochon fut  distribué  aux participants, les  impliquant dans un pacte  de sang exigeant d’eux le  plus grand secret, la solidarité et l’appel à la vengeance. La  nuit suivante, l’insurrection éclata  dans toute sa portée.         

En novembre,  trois mois après l’éclatement de la rébellion, Boukman fut tué dans la bataille et deux autres leaders d’esclaves, Jean François  et Biassou,  les deux  réputés fugitifs  à la veille de l’insurrection, prirent la commande des forces rebelles. Jean François assuma la plus haute fonction  de  généralissime, avec Biassou comme second commandant et Toussaint Louverture servant comme médecin de l’armée des  noirs.