Emancipation à Santo Domingo   par Anne Eller

Eller  est  professeur assistant d’Histoire à University of Connecticut.  Elle fait des  recherches  sur  Haïti  et  la République Dominicaine.

L’abolition de l’esclavage à Santo Domingo,  concrétée en 1822, était  plutôt un processus  non linéaire.  Colonie pauvre, spécialement  par rapport aux plantations de son colosse voisin, la population de Santo  Domingo a connu des contre coups durant  les dernières décennies  de 1700.    Les  fermiers coloniaux les plus riches  (qui  faisaient le commerce de leurs denrées avec l’ouest) s’attendaient ouvertement à une résurgence de l’esclavage dans la partie de l’est,  surtout avec l’idée d’Antonio  Sánchez Valverde  sur la  valeur de Santo Domingo. Néanmoins, les communautés marronnes  dans les montagnes et les villes  libres (comme San Lorenzo de la Mina) continuaient d’offrir refuge aux hommes et femmes en esclavage fraîchement arrivés des plantations de la partie occidentale.   

Lorsque les  combats éclatèrent  à Saint Domingue (plus tard Haïti) dans le  dernier  été  de 1791, plusieurs historiens  soutiennent  que 12, 000 à 14, 000  personnes   se  trouvaient en esclavage  dans la partie espagnole de Santo Domingo. D’autres estimations sont encore plus hautes. Les territoires espagnols étaient  intimement impliqués dans le conflit  dans l’ouest.   Les  autorités  avaient recruté des  commandants et des bataillons des soi-disant auxiliaires noirs  et le territoire lui – même   se  divisa  dans  les combats révolutionnaires. (La  plus fameuse est la révolte de la sucrerie de Boca de Nigua en 1796). 

Quand le territoire passa  aux mains des Français en 1795 comme une partie du  Traité de Bâle, tous les citoyens  devraient devenir libres, par des décrets révolutionnaires adoptés deux ans auparavant. Les conditions chaotiques locales (incluant la migration  limitée de certaines installations d’esclaves dans la partie de l’est de Saint Domingue) et les subséquents revirements politiques en France  reportèrent toutefois  toute abolition décisive. L’arrivée de Toussaint  avec le décret d’abolition  à Santo Domingo en 1801, la plus grande ville du pays, marqua la première abolition officielle de l’esclavage. Mais les réclamations de Napoléon concernant ce territoire cherchèrent à renverser cette émancipation.  Les   commandants français, (particulièrement le Général Ferrand) cherchèrent agressivement à rétablir l’esclavage à l’est  dans les six   années suivantes, autorisant même  la capture et la vente  des jeunes enfants venant  du nouvel Etat haïtien.    

Après  l’expulsion des   Français  et les batailles de  la  période  de  la reconquête espagnole de 1808-9, la colonie  était de nouveau espagnole,  sans aucune  possibilité d’ abolition définitive  à l’horizon. En dépit de tout le ferment révolutionnaire – nombreuses conspirations de natures variées,  population diminuée et  attention de la métropole -, l’abolition de droit n’est    arrivée que  jusqu’ en 1822.  Pour les  vingt- deux prochaines années, l’ancien territoire espagnol  serait officiellement réuni avec  la République d’Haïti, mettant fin à  l’esclavage sur son territoire pour de bon.    

Le climat constant et  hostile du milieu du siècle dans la Caraïbe et la mémoire vivante de l’esclavage sur l’île elle – même  a fait que cette émancipation et cette citoyenneté  restent des points focaux  du  discours politique  et de l’activisme populaire longtemps après 1822. La réaffirmation de l’abolition est l’un des premiers articles constitutionnels que les Dominicains adoptèrent  quand ils se séparèrent en 1844, par exemple [d’Haïti]. La dernière fois qu’un pouvoir  soutenant l’esclavage  a   dirigé des destinées des  citoyens de l’ île  fut la  nouvelle  occupation espagnole de la partie de l’est de 1861–5, laquelle a été  rejetée au cours  d’une énorme  rébellion