Les Derniers Jours de Toussaint par Madison Smartt Bell
Bell est professeur d’Anglais au Goucher College. Il est l’auteur d’une série de trois volumes consacrés à Louverture et à la Révolution haïtienne dont All Souls’ Rising/ Rébellion de toutes les âmes (1995), Master of the Crossroads / Maître des carrefours (2000), et The Stone that the Builder Refused / La Pierre que le maçon a refusée (2004)”.
Toussaint Louverture fut amené au donjon du Fort de Joux, dans les Alpes françaises, tout près de la frontière suisse, dans la nuit du 22 août 1802. Il ne devrait plus laisser cette cellule vivant. Il arriva dans la faim et en proie à toutes les indignités qu’il eut à souffrir depuis son arrestation à Saint Domingue et décidé à se préparer lui – même pour un procès. Durant les premières semaines passées au Fort de Joux, il composa, avec l’aide d’un secrétaire, un mémoire intentant de prendre en bref sa défense - un document déroutant par endroits, quoique, dans d’autres points, il révèle des informations sur sa carrière et sa personnalité.
Dans le passé, Toussaint s’était justifié avec succès contre les représentants du gouvernement français (Sonthonax, Hédouville) contre qui il s’était heurté à Saint Domingue. D’ abord, le Premier Consul Napoléon Bonaparte, quoique techniquement l’ultime supérieur hiérarchique de Toussaint, ne fait aucune attention à son appel de porter son cas devant un tribunal militaire. Le Capitaine Général Leclerc a écrit : « vous ne pouvez pas possiblement tenir Toussaint à assez trop grande distance de la mer, ni le mettre dans une prison trop sûre ; cet homme a fanatisé ce pays à un point que sa présence pourrait mettre tout encore en feu » (Roussier, 183). Napoléon paraît partager cet avis. . L’intention était que Toussaint soit oublié dans une prison isolée, où en raison de la rigueur du climat et d’autres privations il ne vivrait pas longtemps.
En fait, Toussaint a survécu un peu plus de sept mois au Fort de Joux. Dans la conclusion de son mémoire, il avait écrit, avec en vue les plans de Napoléon pour lui, « A quoi cela sert de couper les pieds à quelqu’un et de lui demander à marcher ? A quoi cela sert de couper la langue à quelqu’un et de lui demander à parler ? A quoi cela sert d’enterrer un homme vivant ? » (Saint Rémy, 86). Personne ne veut faire de lui un martyr. Ses os furent perdus dans le champ autour du Fort de Joux. Mais son esprit n’a jamais pu être supprimé et il a aidé à porter la Révolution haïtienne à sa victoire ultime.