Créoles  et Bossales par  Gérard Barthélemy

Un extrait de   Créoles-bossales de Gérald Barthélémy (2000). Barthélemy, anthropologue et intellectuel, décrit la différence entre les esclaves créoles, nés dans les Amériques, et les bossales, esclaves importés d’Afrique. Selon Barthélémy, les premiers s’identifiaient aux autres créoles et adoptèrent plus tard le capitalisme, alors que les seconds eurent plutôt tendance à se réfugier dans les campagnes où ils reprirent les pratiques africaines de réciprocité et de collectivisme.

Parmi les Noirs, il faut ainsi différencier tout d’abord les noirs affranchis, une minorité importante de près de la moitié du total des affranchis, mais, qui finalement, parviendra à prendre le pouvoir. On compte ensuite les esclaves noirs créoles nés à Saint-Domingue et enfin les esclaves noirs bossales venus d’Afrique. Déportés de fraîche date, ceux-ci vivaient la douloureuse expérience de la confrontation directe de leur culture d’origine.

Si l’on retient comme catégorie séparée les esclaves nés en Afrique, en plus des noirs libres et des esclaves créoles,  ceux-ci, compte tenu de l’augmentation vertigineuse de la traite dans les quinze années qui précédèrent la Révolution de 89, représentaient un pourcentage très important du total des esclaves. Moreau de St-Méry les estime alors aux 2/3. Ce phénomène exceptionnel est particulier à Haïti […] partout ailleurs, les populations esclaves […] Noirs créolisés depuis longtemps.

L’existence de ces différentes catégories et l’importance du phénomène bossale ont engendré une évolution bien spécifique de l’ensemble du pays au cours du siècle suivant car  cette masse, née en Afrique, connaîtra par la suite son propre processus de créolisation, qui se réalisera totalement en dehors de la société esclavagiste, ce qui consitue sa différence fondamentale avec les anciens esclaves créoles. Ce groupe des nouveaux créoles va donc se trouver progressivement confronté à ceux qui s’étaient créolisés avant 1794.