Dessalines, l'homme et le mythe  par Ashli White

White est professeur assistant d’Histoire à l'University of Miami. Elle est l’auteur de Encountering Revolution : Haiti and the Making of the Early Republic / Rencontre avec la Révolution : Haïti et la construction de la première République (2010).

Les sources primaires citées ci-dessous reflètent un moment critique de la Révolution haïtienne, lorsque sous l’égide de Jean-Jacques Dessalines, la révolution se transforma en guerre pour l’indépendance d’Haïti. En 1802, Napoléon Bonaparte envoya son beau-frère, Charles Victor Emmanuel Leclerc, accompagné d’une grande armée, à Saint-Domingue. Il avait reçu des instructions secrètes afin de rétablir l’esclavage dans la colonie et, dans le cadre de ce projet, Leclerc ordonna l’arrestation et la déportation du Gouverneur Général en place, Toussaint Louverture. Mais, confirmant la prophétie de Louverture selon laquelle « l’arbre de la liberté […] repoussera car ses racines sont profondes et nombreuses », Dessalines prit le commandement de l’armée de Louverture et devint le meneur de la révolution. Face aux plans de Napoléon, de nombreux Dominicains noirs et de couleur conclurent que pour conserver leur liberté, ils devaient repousser les forces françaises et rompre avec la métropole.

Tous les témoignages s'accordent à dire que la lutte entre Français et habitants de Saint-Domingue fut féroce. Quand les révolutionnaires eurent vaincu leurs ennemis, Dessalines chercha à garantir la viabilité de la nouvelle nation en arrêtant et en punissant les complices du régime français. Les nouvelles des exécutions de nombreux blancs en Haïti se répandirent de part et d’autre de l’Atlantique, horrifiant les observateurs blancs. De leur point de vue raciste, ces tueries traduisaient un désir de vengeance brutal et insatiable, et étaient donc la preuve de l'impréparation des gens de couleur à la liberté et à la citoyenneté. Dessalines, en particulier, était décrit en termes méprisants en dehors d'Haïti, mais il défendait vigoureusement ses actions, d'où sa fameux phrase : « Oui, nous avons rendu à ces vrais cannibales guerre pour guerre, crimes pour crimes, outrages pour outrages. Oui, j’ai sauvé mon pays, j’ai vengé l’Amérique. »