L’Invasion de l’Est par Dessalines en 1805 par John Henry Gonzalez

Gonzalez vient d'obtenir son doctorat d'Histoire à l’Université de Chicago et est à présent chercheur post-doctorat à Duke University. Sa thèse est intitulée The War on Sugar: Forced Labor, Commodity Production and the Origins of the Haitian Peasantry, 1791-184 / La Guerre du sucre : travail forcé, production de matières premières et les origines de la paysannerie haïtienne, 1791-1843.

Après la défaite de l’expédition Leclerc et la déclaration d’indépendance d’Haïti en 1804, les forces françaises, sous le commandement du général Ferrand, reprirent le contrôle militaire de l’ancienne colonie espagnole de Saint-Domingue. Résolu à chasser définitivement les forces françaises encore présentes sur Hispaniola et à unir l’île sous son autorité, l’Empereur Dessalines rassembla ses troupes et envahit l’Est au printemps 1805.

L’armée haïtienne assiégea les troupes françaises à Saint-Domingue pendant plus de trois semaines. Il s’en fallut de peu que Dessalines ne prenne Saint-Domingue et ne contrôle toute l’île. Les forces de Ferrand étaient à bout lorsque l’arrivée de vaisseaux français convainquit Dessalines, redoutant une nouvelle invasion française, de lever le siège.

Alors que ses troupes battaient en retraite hors de l’Est, Dessalines leur ordonna de brûler les villes de Cotui, La Vega et Santiago. Ils emmenèrent aussi plus de mille captifs, hommes, femmes et enfants, enlevés par l’armée et transférés de force en Haïti. L’armée haïtienne appelait les captifs de l’Est les « Espagnols. ». Ils furent arrachés à leurs foyers et contraints de marcher sur plus de 150 km. En arrivant sur le territoire haïtien, Christophe, Dessalines et d’autres généraux haïtiens répartirent les captifs espagnols entre les diverses plantations administrées par l’État dans le Nord d’Haïti.

Les péripéties de cette invasion mettent en évidence le bilan contradictoire des généraux fondateurs d’Haïti. Leur campagne pour bouter les autorités coloniales françaises hors de l’île fut menée pour protéger la jeune nation de toute ambition française d’invasion et de rétablissement de l’esclavage. D'un autre côté, la capture et la déportation forcée de centaines de personnes illustre les mesures draconiennes employées par Dessalines et Christophe dans leurs efforts pour reconstituer l’économie de plantation de l’île.