Pétion et la République du sud  par Joseph Saint-Rémy (1818-1856)

Un extrait de Pétion et Haïti: étude monographique et historique (1954-1957) de Saint-Rémy. Saint-Rémy était un historien renommé. Il est né en Guadeloupe mais a déménagé en Haïti et ensuite en France.

Anne-Alexandre, connu sous le nom de Pétion, vit le jour au Port-au-Prince, rue de la Révolution, alors rue d’Orléans, le lundi 2 avril 1770.  Il naquit de l’union naturelle de M. Pascal Sabes, blanc, et de la Dame Ursule, mulâtresse. Quoiqu’il fut quarteron, espèce de sang-mêlé, dont l’épiderme est ordinairement blanc, il vint au monde si noir, qu’avec ses cheveux lisses on eut pu le prendre pour indien. Aussi prétend-on que la peau noire du nouveau-né fit douter [M. Sabes] de sa paternité, il refusa de lui donner son nom.

Pétion, a dix-huit ans, soldat dans les chasseurs de la milice – [Pendant la Révolution] Pétion déclara que les noirs et les mulâtres ont commencé une guerre civile et ce n’était pas le moment, en présence des blancs, de penser à la vengeance; ils doivent oublier le passé. Pétion alors conduit l’insurrection de [Jean-Jacques] Dessalines et devint le combattant distingué sous la direction féroce du chef. [Après l'assassinat de l'empereur Dessalines en 1806], Pétion était en désaccord avec [Henri Christophe] leader intérimaire du pays, qui a refusé de reconnaître la constitution. [Pétion a déclaré en 1806], ‘Je voudrais déclarer publiquement, à mes concitoyens, mes honorables intentions qui guident mon caractère et mes actions, surtout après la destruction de Dessalines, et maintenant celle du général Christophe, qui apporte parmi nous la flamme d’une guerre civile, cherchant à détruire notre liberté que nous avons finalement acquis après ces longues tempêtes’. [Peu après, Christophe] fut couronné Roi du Nord; et le Sénat proclama général Pétion le Président [du sud] d'Haïti.

Le Sénat a approuvé la proposition de Pétion le 21 Avril 1807, qui a autorisé la distribution des terres à un minimum de dix carreaux. Pétion, président à vie [à l’époque], avait décrété que tous ceux qui ont effectués un service civique ont droit à une part équitable de la richesse du pays. Il a décrété que chaque citoyen doit devenir propriétaire de la terre, que l'armée avait conquis des Français et colonisateurs. Pétion savait que la division des terres a été la fin des divisions de castes et de l'aristocratie. Lorsque de telles divisions existaient, il n'y aurait pas d'autre privilège que de travailler la terre pour l’épanouissement de soi, économiquement parlant, en travaillant pour soi, sans aucune loyauté féodale, tout en accroissant son bien-être, ainsi que l'état.