Christophe, les philanthropes britanniques et l’éducation

Le texte ci-dessous est extrait d’une lettre écrite par le roi Henry Christophe le 5 février 1816 à l’abolitionniste Thomas Clarkson. La lettre a été publiée plus tard dans Henry Christophe and Thomas Clarkson: A Correspondence (1952) / Henry Christophe et Thomas Clarkson : une correspondance (1952) par Earl Leslie Griggs et Clifford H. Prator. Dans l’extrait ci-dessous, Christophe demande à Clarkson et à un autre philanthrope britannique, William Wilberforce, de fournir des instituteurs à Haïti. Christophe mentionne aussi qu’il compte sur Prince Saunders, un instituteur afro-américain, pour qu’il envoie ses lettres en Angleterre.

Monsieur et cher ami …

Pendant bien longtemps mon intention, la plus chère de mes ambitions, était d'assurer la sécurité de la nation qui m'a confié sa destinée, en la faisant bénéficier d'une instruction publique. La révolte de Pétion, sa trahison du people haïtien et les dissensions civiles qu'il a créées entre nous m'ont arrêté dans l'élan que je voulais donner à l'éducation, ce premier devoir des souverains. Je suis complètement dévoué à ce projet. Les édifices nécessaires aux institutions d'instruction publique dans les villes et dans les campagnes sont en construction. Je suis dans l'attente des professeurs et hommes de l'art que j'ai demandés, afin qu'ils assument l'éducation de notre jeunesse. J'entends leur accorder tous les encouragements, la protection et la tolérance possibles dans l'exercice de leur culte, outre tous les avantages justes et raisonnables auxquels ils peuvent prétendre. Si Dieu bénit mon entreprise et me donne un temps suffisant pour l'accomplir, j'espère que les habitants d'Haïti, surmontant le honteux préjudice qui a trop longtemps pesé sur eux, surprendront très vite le monde par leurs connaissances…

J'ai estimé nécessaire de demander à M. Prince Saunders de repartir en Angleterre, afin de ramener avec lui les professeurs que j'ai demandé à M. [William] Wilberforce de trouver pour moi, et qui devront instruire notre jeunesse selon le système éducatif anglais approuvé. J'ai chargé M. Saunders de remettre diverses lettres que j'adresse à nos amis, ainsi que nos papiers publics, car j'ai été informé que certaines lettres qui nous avaient été adressées, et certaines envoyées par nous, ainsi que nos papiers, avaient été interceptés par des ex-colons français à Londres, en Jamaïque et à Saint-Thomas.

J'ai demandé à M. Sanders, lorsqu'il vous remettra ma lettre, de vous exprimer, à vous et à nos amis, mes sincères remerciements les plus chaleureux pour tous vos efforts, le zèle dont vous avez fait preuve pour faire triompher la cause des Africains et de leurs descendants. La gratitude que je ressens envers vous, ainsi qu'envers nos bons et vertueux défenseurs, ne s'effacera jamais de mon cœur, et je saisirai toujours toutes les occasions de vous le prouver.

[Signé]

Henry