La  Double Dette  par Jean-François Brière

Brière est professeur d’Etudes françaises à SUNY/Albany. Il est auteur  d’Haïti et la France, 1804-1848: le rêve brisé (2008).

En 1814, le président de la République  haïtienne, Alexandre Pétion, avait  suggéré  qu’ Haïti payât une indemnité aux anciens  propriétaires dont  les  biens avaient été saisis  par le gouvernement  haïtien  quand le pays avait proclamé son indépendance. Le  but était de désarmer le lobby  des  propriétaires des plantations en France qui réclamaient une nouvelle expédition militaire pour reprendre le contrôle de la colonie française perdue. Les Français n’étaient intéressés au début [à cette indemnité], mais ils adoptèrent plus tard cette idée quand ils décidèrent de reconnaître l’indépendance du pays.      

En 1825, sous la menace d’un blocus naval, Haïti fut forcée d’accepter les conditions sous lesquelles la France reconnut l’indépendance d’Haïti. Les  clauses inclurent le paiement par Haïti  d’une indemnité de 150 millions de francs [anciens] à payer sur cinq années comme dédommagements aux anciens propriétaires des  plantations. Les documents ci – après montrent le programme  de la cérémonie marquant  à Port–au–Prince la reconnaissance de l’indépendance d’Haïti par la France.  Il inclut la participation des officiers navals français.  

Haïti fut à même de payer la première tranche de l’indemnité en 1825 en émettant des bonds qui furent commercialisés à la Bourse de Paris. La   « première  dette » concernait les réparations dues aux propriétaires des plantations  tandis que la « seconde dette » concernait  l’argent dû par le gouvernement haïtien  aux détenteurs des obligations et des bonds. Au début de 1826, Haïti fut incapable de payer les deux dettes, mettant ainsi les autorités  françaises en colère  qui menacèrent  la jeune république d’une action militaire. En 1838, un nouveau traité abaissa les réparations à  90 millions de francs (dont 30 millions du montant dû aux détenteurs des bonds et des obligations).  Haïti avait payé la somme totale,  effaçant les deux dettes en 1883.