Le Manifeste Praslin   par Beaubrun Ardouin (1796-1865)

Beaubrun Ardouin fut l’un des premiers historiens d’Haïti, et l’un de ses  hommes politiques les plus puissants. Dans le dernier des onze volumes de ses Etudes sur l’Histoire d’Haïti (1860), il décrit la révolution de 1843. Lorsque le Président Boyer tenta d’expulser son rival, Hérard-Dumesle, du corps législatif, Hérard et son cousin, Charles Rivière, proclamèrent la révolution depuis leur propriété de Praslin, près des Cayes  (une ville dans le Sud)

Le  1er septembre 1842, une réunion formée aux Cayes sous le nom de «Société des droits de l’homme et du citoyen», et présidée par M. Hérard Dumesle, arrêta et signa un acte intitulé  «Manifeste ou Appel des citoyens des Cayes à leurs concitoyens», contenant l’exposé des griefs de l’Opposition contre le président Boyer.

Puis venaient les attributions conférées à ce gouvernement pour former une «assemblée constituante», afin d’avoir «une constitution des plus démocratiques, qui proclame hautement la souveraineté du peuple et les principes de l’élection temporaire dans la plupart des fonctions publiques», notamment le pouvoir exécutif.

Le citoyen Charles Hérard aîné Rivière, chef de bataillon au régiment d’artillerie des Cayes, fut de suite choisi dans ce dessein. Il signa cet acte en qualité de Chef d’exécution.

Les insurgés de Praslin étaient en route le 31 janvier pour se rendre à l’Anse-d’Eynaud, quand ce jour-là les opposants de Jérémie se déclarèrent contre le gouvernement en prenant les armes.

Les troupes [du gouvernement…] étaient rendues devant Léogane. L’attaque dirigée contre cette ville ne fut pas sérieuse ; la garde à pied du Président… soutint un instant ce combat. Toute la garde nationale du Port-au-Prince passa du côté des insurgés, avec les autres régiments de ligne.

A 2 heures de l’après-midi du dimanche 12 mars, Boyer fut informé de tout ce qui avait eu lieu devant Léogane. Le résultat politique étant obtenu par l’issue du combat, il n’avait plus qu’à procéder aux préparatifs de son embarquement sur la corvette anglaise. J’allai au palais où je le trouvai presque seul ; pas un fonctionnaire public n’y était venu depuis quelques jours. C’est un curieux, sinon triste spectacle, que celui d’un pouvoir politique qui tombe devant une révolution accomplie par l’abandon de l’opinion publique. Chacun cherche à s’effacer le mieux possible, pour ne pas se compromettre envers le nouveau pouvoir qui va s’élever: le soleil levant paraît alors plus radieux que celui qui se couche.