La Coronation de Soulouque  par Justin Bouzon

Un extrait de Etudes historiques sur la présidence de Faustin Soulouque (1894) de Bouzon. Comme les anciens supporteurs de Boyer dans le Sénat, Bouzon fit montre d’un ressentiment similaire envers Soulouque qui avait été vu à un moment donné comme un soldat modeste à la peau foncée mais qui osait réclamer à présent le titre d’Empereur  de Dessalines.  

Soulouque était revenu presque vainqueur de sa campagne de l’Est. Le 6 mai 1849, il rentra à la capitale en triomphateur avec les  débris de son armée en guenilles, au bruit du canon et au son des cloches. La campagne de l’Est bien qu’elle n’eût pas tout le résultat voulu, contribua à consolider le pouvoir du despote que l’égoïsme le plus étroit avait placé  à la tête du pays. Soulouque, aux termes de la constitution, était président à vie. Jouissant de tous les privilèges d’un monarque, Soulouque voulut en avoir le titre.



Soulouque ne comprenait le pouvoir que d’une seule façon : pas de contrôle, être le seul maître. Même dans les mauvais jours de 1847 à 1848, il y avait des hommes au Sénat ou à la Chambre qui faisaient entendre leur voix courageuse. Soulouque ne supportait pas les remontrances. On ne pouvait lui faire entendre que dans une République il était du devoir des représentants du  peuple de  défendre les  intérêts du peuple. Pour qu’il n’existât plus cette velléité d’indépendance il fallait établir le régime monarchique.

En vingt-quatre heures le pays avait changé  de régime. La veille il se couchait républicain, il se réveillait monarchique le lendemain. Soulouque avait su profiter de la situation que lui avait faite le pays terrifié, aucune voix ne s’éleva pour protester contre cette tyrannie qui allait prendre plus d’extension. La justice allait être rendue au nom de l’empereur. Et plus d’une fois déjà, simple président, Soulouque   mettait fin  aux décisions des cours souveraines; que ne ferait-il après? Il était empereur! Lorsque le Sénat se présenta pour lui notifier sa nomination, une comédie vraiment drôle fut jouée. Une couronne fut posée sur la tête du nouveau souverain, mais elle était en carton recouvert de papier doré. On n’avait pas eu le temps d’en fabriquer une en métal.