Florvil Hyppolite prend le commandement par Rodolphe Charmant

Un extrait de La Vie incroyable d’Alcius de Charmant (1946). Charmant était médecin à la  Faculté de Médecine à Port-au-Prince.  En 1889 son grand-père Alcius était en exil en Jamaïque mais il est retourné en Haïti pour aider Hyppolite à renverser le Président Légitime. Ci-dessous, Rodolphe explique comment le lieutenant d’Hyppolite, St. Martin Dupuy, proclama la nouvelle, envoyée par son camarade Edmond Paul, que le général Dumourier Numa Rabel avait trahi Légitime et aidé Hyppolite et son autre lieutenant, Chicoye, à vaincre Dardignac, le dernier commandant militaire du Président.
 
Alcius retrouva en Jamaïque plus d'une centaine de ses anciens amis de Jacmel. Edmond Paul, qui y avait la direction des affaires de la révolution, organisa à leur intention et sur leur demande une expédition qui partit aux Iles Turques avant d'aboutir au Cap Haïtien le 20 avril [1889].

Alcius écrit dans ses notes : "Quand nous arrivâmes au Cap Haïtien, la cause du Nord était gravement compromise, si bien que le chef du gouvernement provisoire [de la révolution], le général Florvil Hyppolite, trouva plus prudent de faire retraite vers Ouanaminthe à la frontière [avec la République Dominicaine]. Lorsque nous accostâmes, on nous emmena à l'Hôtel [contrôlé par] le général St. Martin Dupuy, seul ministre chargé de tous les portefeuilles, en l'absence [et par l'empêchement] des autres titulaires. Après avoir pris connaissance des lettres d'Edmond Paul dont nous étions porteurs, il nous fit un long exposé de la situation… Grâce à l'aide des habitants de Jacmel, [les lieutenants d'Hyppolite], Mompoint Jeune et Jean-Jumeau purent poursuivre la guerre dans l'Artibonite et harceler les troupes ennemies jusqu'à la frontière d'Arcahaie. À Saltrou, Dumourier Rabel se prononça pour la révolution. Le général Hyppolite envoya à son secours une compagnie de jacméliens commandés par Chicoye. Cette expédition parvint à une cité en ruines, bombardée par Dardignac. L'armée de Saltrou marcha sur Jacmel via Marigot [une ville située dans le sud]. Lorsqu'elle arriva… elle tomba sur l'armée de Dardignac et [se lança à la charge] contre elle. S'ensuivit une violente bataille durant laquelle Dardignac fut tué à trois heures de l'après-midi, le 3 août 1889.

C'était le dernier bastion de Légitime et il était tombé. Pour le folklore, nous écrivîmes une chanson… pour [commémorer] la chute et la mort de Dardignac. "Dardignac, où étais-tu ? J'étais à Carrefour Cap-Rouge. J'ai rencontré Numa Rabel. Il était trop fort. J'ai la mâchoire enflée !"

Le gouvernement de l'Ouest fit des propositions de paix et le 22 août, Légitime abdiqua le pouvoir. L'armée révolutionnaire entra à la capitale avec son chef le général Florvil Hyppolite, qui y installa un gouvernement provisoire.