La  Guerre  firministe   par Joshua Clough

Clough  est   doctorant au Département d’ Histoire à  Duke University. Sa recherche   porte sur l’ethnographie et la  culture haïtienne.

Au cours de l’été  1902 Haïti  sombra dans la guerre civile.  Le  12 mai 1902, sous la pression  de sa gestion maladroite  de l’affaire Luders, le Président  Tirésias Simon Sam a  démissionné de son poste, créant par là un vide politique. Pierre Boisrond-Canal fut nommé  président  jusqu’à ce qu’un nouveau chef soit choisi et placé à la  tête de l’Etat. Cependant,  frustré par la  provision  constitutionnelle accordant la nomination  du  pouvoir exécutif à l’Assemblée  Nationale,  les citoyens se révoltèrent à Port – au – Prince.  En réaction, l’Assemblée Nationale  fut dispersée.  Dans cet éveil, des comités démocratiques s’assemblèrent à  travers la République, sélectionnant   leurs délégués locaux  qui se  réuniraient   à Port – au – Prince  pour débattre les  termes des élections pendantes en  Haïti.  Après beaucoup de délibérations, les représentants promulguèrent une nouvelle constitution avec  de notables expansions des droits démocratiques. Réalisant ses  buts et objectifs  pour plus de participation  dans le processus électoral, les  citoyens  purent alors nommer  les électeurs locaux pour voter pour le candidat de leur choix.   

Animés de cette expansion soudaine de leurs droits démocratiques, les citoyens de chaque département se sont inscrits  en foule pour voter. Anténor Firmin émergea rapidement comme un  compétiteur  remarquable. Quoiqu’ ayant  beaucoup  appelé pour des réformes politiques à la fin du dix- neuvième siècle, un Firmin désenchanté avait regagné son Cap Haïtien natal vers 1900 pour pratiquer le droit. Embarrassé  par  son influence croissante, le gouvernement de Sam avait nommé  Firmin  ministre à Paris en 1900, cherchant à débarrasser le pays d’une potentielle menace  politique. Cette machination eut l’effet contraire. L’absence de Firmin avait galvanisé ses partisans qui  le reçurent en héros quand il retourna au pays  à la fin de mai avec ses yeux fixés sur la présidence. Firmin commanda une suite passionnée de jeunes votants attirés par ses promesses de mettre fin à la corruption dans le  gouvernement. Les mêmes promesses avaient aussi  catalysé  les opposants contre Firmin, qui furent également déterminés à maintenir leur accès au pouvoir.
  
Sénèque M. Pierre, ancien Secrétaire de la Guerre et Callisthènes Fouchard, ancien Secrétaire des Finances, avaient aussi déclaré leurs candidatures, bien que la plus grande menace pour Firmin vienne de Nord Alexis.  Né dans l’élite et au sein d’une famille liée avec la politique – son père avait occupé une position éminente  sous le Roi Christophe -  Alexis avait été  une  figure fixe de la tradition militaire et politique d’Haïti depuis la fin des années 1830. Après avoir été engagé dans l’armée depuis qu’il était adolescent, Alexis avait été rapidement promu à la position d’officier  sous le  Président Jean-Louis Pierrot (1845-1846).  Octogénaire au tournant du siècle, Alexis demeura  un Général redouté et une force politique influente. Toutefois, comme Ministre de la Guerre du Gouvernement provisoire, Alexis commanda une formidable armée pour renforcer ses  ambitions politiques.   
   
En juin,  le Cap-Haïtien devint le lieu d’affrontement d’une série  de batailles politiques.  A la fin de ce mois, Alexis arriva au Cap Haïtien avec l’objectif  officiel de remettre de l’ordre dans la ville. Toutefois, le 28 juin,  le jour des élections, des batailles de rue  éclatèrent  entre les  partisans de Firmin et d’Alexis. La  guerre  civile parut inévitable. Après  deux jours de combats, et perdant fermement du terrain face aux forces d’Alexis, Firmin se décida à se replier aux Gonaïves où il dénonça le Gouvernement Provisoire et  déclara les élections frauduleuses. Néanmoins, il  devenait de plus en plus évident que [l’issue] des  élections ne serait pas décidée par les urnes.

Sur le champ de bataille, l’avantage d’Alexis fut évident. Néanmoins, les Firministes eurent un capital stratégique incalculable avec le bateau de guerre la Crète-à-Pierrot. De juillet à août, l’Amiral Hammerton Killick et son équipage patrouillèrent les eaux costales dans son bateau la Crète-à-Pierrot, isolant et  démobilisant les  forces d’Alexis. Le 2 septembre, Killick intercepta un  vapeur  allemand, le Markomania qui transportait des armes pour le camp d’Alexis au Cap Haïtien. Alexis  ne  perdit pas de temps  pour notifier les officiels allemands qui dénoncèrent cela  comme un acte de piraterie  et dépêchèrent alors leur propre bateau de guerre, le Panther, à Gonaïves, où ils demandèrent à Killick de  leur rendre la Crète-à-Pierrot en retour.  Ne voulant  pas  rendre  son navire aux Allemands,  Killick évacua tout le personnel, prit un siège à  l’avant et alluma une fusée  qu’il  approcha des armoiries du bateau. La détonation  du sacrifice de la Crête –à– Pierrot par  Killick   marqua  la fin  substantielle et finale de la guerre firministe. Un mois  plus tard, sa campagne ayant  terminé,  Firmin  fit voile pour les Bahamas avant de s’établir  à St. Thomas, où il mourut en 1911. Le 17 décembre [1902], une  population  fatiguée du conflit à Port – au- Prince  déclara Alexis nouveau Président de la République.