Le Centenaire d’Haïti et la Dessalinienne par Rebecca Dirksen
Dirksen est ethnomusicologue et il réalise des études post- doctorales au Massachusetts Institute of Technology. (MIT). Ses recherches portent sur le pouvoir et la politique dans la musique haïtienne.
Chaque année, le 1er janvier, les Haïtiens célèbrent leur jour de l’Indépendance nationale. Ce jour de fête commémore les douze années de révolution contre l’esclavage et les pouvoirs coloniaux qui ont conduit à la [fondation] de la première république noire du monde moderne. Le 1er janvier 1904, le centenaire de la célébration de l’Indépendance d’Haïti, fut observé sous le Président Nord Alexis. Une Association Nationale pour le centenaire fut instituée pour diriger les festivités.
Comme l’une de ses premières activités, l’Association du centenaire organisa un concours pour la composition de l’hymne national. Le concours comprenait deux parties. D’abord, en juin 1903, les poètes soumirent des manuscrits pour les paroles du nouvel hymne. Un jury de cinq membres sélectionna un texte soumis par Justin Lhérisson pour la simplicité de son message et son sentiment patriotique. Le jury comprenait le juriste avocat et journaliste Sténio Vincent qui deviendrait plus tard président en 1930. Une fois les paroles choisies, l’Association du centenaire invita des compositeurs à soumettre des arrangements musicaux sur les paroles de Justin Lhérisson. Un nouveau jury incluant le Directeur de l’Orchestre du Palais National, Occide Jeanty, estima que la version musicale de Nicolas Geffrard présentait l’entrée la plus vigoureuse. Immédiatement après le concours, l’historien Dr. Clément Lanier suggéra le titre de la Dessalinienne pour vénérer le Général Jean-Jacques Dessalines, l’un des principaux fondateurs d’Haïti.
Il y a plusieurs rapports de la première représentation de La Dessalinienne, qui eut lieu en octobre 1903. La première représentation eut lieu à Saint Marc et une sculpture de Dessalines fut dévoilée. Alternativement, le très connu chanteur Auguste ("Kandjo") de Pradines pourrait avoir été le premier à chanter la pièce pour marquer l’arrivée de l’Armée Nationale à Port – au – Prince en conjonction avec la célébration des événements du centenaire. Le 1er janvier 1904, l’hymne fut officiellement présenté au grand public, et les foules rassemblées par milliers furent entraînées à chanter les paroles et la mélodie durant le jour de la célébration de l’Indépendance. Ce jour- là, la représentation de La Dessalinienne fut accompagnée de l’inauguration de la grande Place publique des Héros de l’Indépendance et des monuments qui furent rapidement construits pour honorer les figures révolutionnaires de la nation : Dessalines, Henri Christophe, Toussaint Louverture, Alexandre Pétion et le Nèg Mawon.
La Dessalinienne fut immédiatement vue comme un symbole de liberté. Mais, elle n’était pas encore déclarée hymne officiel jusqu’ à ce que l’Assemblée nationale votât une loi qui le déclare comme tel en août 1919. Un autre moment historique impliquant cette pièce de musique eut lieu quand l’orchestre de l’Armée Nationale joua La Dessalinienne à la fin de l’occupation américaine de 1915 – 1934 en reconnaissance du recouvrement de la souveraineté d’Haïti. Néanmoins, de façon significative, l’hymne national n’avait pas été traduit en créole haïtien, la langue de la majeure partie de la population, jusqu’ à ce que le chanteur Ansy Dérose en ait donné une version créole en 1986.
Les cinq versets de la La Dessalinienne rappellent aux Haïtiens de se souvenir des pères fondateurs, honorent la patrie et appellent à marcher ensemble come un peuple uni. Le rythme saccadé, le tempo brusque et la mélodie solidement construite autour des arpèges, contribuent à une marche à la fois militaire et résolue en caractère. Aujourd’hui, les écoliers [en Haïti] chantent chaque matin La Dessalinienne, avec un couplet pour chaque jour de la semaine.
Le manuscrit original est gardé aujourd’hui au Musée National MUPANAH au Champ de Mars, à Port-au-Prince.