Un budget déséquilibré  par Antoine Bervin

Un extrait de  Louis-Edouard Pouget: diplomate, tribun, homme politique et journaliste (1988) de Bervin. Bervin était un publiciste qui a servi sous le Président Sténio Vincent. Ci-dessous Bervin explique comment le Ministre de Finances de Simon, Louis Edouard Pouget, a mis en pratique des politiques conservatrices qui étaient impopulaires. A peine Pouget fut-il poussé à l’exil que Simon a fait de mauvais investissements tels que le chemin de fer McDonald.

Le 15 Février 1910, le Président General Antoine Simon confie à Pouget les portefeuilles des Finances et du Commerce.
 
Il demeure épouvante devant la tâche colossale qui lui incombe : de légitimes aspirations à encourager et de nobles ambitions à satisfaire… A la séance du 18 Mai 1910, en déposant sur les bureaux de la Chambre de Représentants les budgets et Comptes-généraux de la République, M. Pouget définit son programme financier qui ne consistait ni plus ni moins qu’à faire triompher en Haïti les principes immuables de l’économie, d’une économie rationnelle, c’est-à-dire, d’assurer la perception intégrale des recettes et de borner les dépenses publiques à nos revenus.

Décidé à endiguer ce flot montant de concussion, le nouveau ministre nomme de Délègues spéciaux pour contrôler dans chaque escale l’embarquement des denrées et le débarquement des marchandises ; il prend des mesures sévères contre les agents de fausses déclarations de tonnage; il règlemente le cas des colis postaux ; il établit un papier timbre spécial pour le Service Douanier et un Système de Comptabilité administrative comportant moins d ‘écritures et plus de contrôle; il crée deux douanes frontières pour empêcher nos cafés de passer en franchise chez nos voisins.



Il s’oppose au système de taxes et de surtaxes ruineux pour le commerce ; il s’oppose aux emprunts, il s’oppose aux frappes et aux émissions, emprunts et frappes qui sont destinés à être liquides après par de nouveaux impôts et de nouveaux emprunts a la charge du peuple. Par-dessus tout cela, le rôle ingrat de répondre de toutes les obligations passées, perpétuel déficit.

Enfin, au bout de toutes ces misères attachées aux portefeuilles ministériels, l’injustice des uns, la calomnie des autres, la haine de tout le monde. M Pouget ne fait pas plus de quatre mois au ministère. Des brouilles survenues à propose de l’Emprunt français de 65 millions déterminent sa démission, non, sans qu’il eût proclamé, d’après sa conception absolue des prérogatives ministérielles, qu’il entendait être : « l’empereur » de son Département.