Les Premières Automobiles par Adam M. Silvia
Silvia est doctorant au Département d’ Histoire à Florida International University. Sa thèse s’intitule Making Haiti Modern: Nation Building and the American Civilizing Mission in the Cold War Era./ Modernisant Haïti: la construction de la nation et la mission civilisatrice américaine à l’ère de la Guerre froide. Silvia est aussi le créateur du projet An Island Luminous/Une île lumineuse.
L’automobile arriva en Haïti entre 1912 et 1913. Plusieurs furent les modèles américains, Buicks et Fords, importés par une famille riche, les Mevs. Ceux qui avaient de l’argent trouvaient bien d’acheter un véhicule. Ou encore, ils pouvaient en louer un à la Compagnie des Automobiles de la Ville de Port-au-Prince. Au début, toutefois, il y avait seulement une station d’essence dans tout le pays et elle appartenait aussi aux Mevs. En homme d’affaires intelligent, Louis Mevs savait vendre une voiture. « Allez partout, quel que soit le terrain » promettait – il. « Fabriqué spécialement pour les mauvaises routes ».
Quand Louis Mevs disait que ses Fords se retrouvaient « dans toutes les villes du monde », il disait la vérité. La Ford Motor Company a vendu des véhicules dans tous les continents habités. En Amérique latine, elle avait envoyé des représentants pour rencontrer les hommes d’affaires locaux qui achetèrent le modèle A et d’autres véhicules qui furent alors revendues. Comme historien, Mira Wilkins a dit une fois que « le soleil ne se couche jamais » sur la Ford Motor Company.
Adorées qu’elles l’étaient par l’élite urbaine, les automobiles avaient créé de nouveaux problèmes. Avec la voiture vint l’accident de voiture. Dans son œuvre en plusieurs volumes, Port-au-Prince au cours des ans, l’historien Georges Corvington explique que « plusieurs accidents furent causés par des conducteurs négligents. Mais, il y en a qui furent causés par des circonstances inévitables. Dès qu’une voiture rapide eut effrayé un cheval ou un bug, il y eut un accident ». C’est pourquoi en 1912, l’Etat imposa la première limite de vitesse : douze milles par heure.
Tandis que les automobiles étaient vus comme un symbole d’avancement pour certains, d’autres personnes n’en étaient pas aussi sûres. En Haïti, dans des journaux comme Le Matin, un intellectuel bien connu, Léon Laleau, remarqua comment les rues donnaient maintenant des odeurs comme une manufacture. « Nous avons maintenant des voitures », dit – il, « beaucoup de voitures dans nos rues, qui étaient autrefois tristes et oubliées dans les heures de lune de la nuit. Maintenant, il y a l’écho constant du rebondissement des pneus sur les roches » et les « conducteurs nerveux » qui pressent leurs avertisseurs. Laleau observa comment l’automobile inspira « snobisme » et « jalousie ». “L’amour de l’automobile” expliqua – t – il « élargit les yeux des uns » et « remue l’âme des autres ». « Quand quelqu’un se promène sur la place Geffrard et voit la ligne des voitures au repos, et voit les conducteurs, ces maîtres de la route, très plaisants, son envie lui brûle dans son cœur ».
La voiture était un symbole de statut [social]. Seulement une petite minorité possédait l’argent pour en acheter une. Contrairement aux Etats Unis où le modèle Ford T avait été vendu à un prix modéré, en Haïti, la possession d’une Ford indiquait la richesse et l’image de l’inégalité sociale.