Le Nouveau Palaïs National par Georges Corvington

Corvington est un historien haïtien renommé. Il a écrit plusieurs livres sur Haïti dont le plus remarquable est son ouvrage de sept volumes intitulé  Port-au-Prince au cours des ans (1970-1992).

Le jour même de l’incendie du Palais National, le Parlement s’était réuni et avait élu comme Président d’Haïti M. Tancrède Auguste, ami personnel du président défunt, et qui, dans des circonstances mémorables, avait su faire preuve de caractère et d’énergie.  Ancien ministre de l’Intérieur de Florvil Hyppolite et de Tirésais Simon Sam, impliqué comme Leconte dans l’affaire de la Consolidation, condamné par le Tribunal Criminel de Port-au-Prince, puis gracié par Nord Alexis, le nouveau Président paraissait animé, ainsi qu’on avait pu le constater pour son prédécesseur, d’un sincère désir de se réhabiliter. Le peuple  s’en rendit compte lorsque pour la constitution de son premier ministère, il conserva trois des collaborateurs les plus méritants du président décédé.

Après son élection, le Président Tancrède Auguste établit le siège de la présidence à sa maison privée du Bois-Verna. Cependant, le 17 septembre, il quittait sa demeure pour aller s’installer dans le quartier de Peu-de-Chose, à Castel Fleuri, une  jolie villa en briques appartenant à M. Luders Chapoteau.

La reconstruction du Palais National demeurait un des points essentiels du programme du  gouvernement de Tancrède Auguste. Quelques jours après l’installation de celui-ci à la première magistrature de l’Etat, le Corps Législatif ouvrait un crédit de 100.000 dollars pour l’érection du nouveau palais qui devait “réunir toutes les perfections modernes et être à l’épreuve du feu.” L’architecte Mathon avait été désigné pour diriger les travaux. Mais il s’avéra que pour un projet d’une telle importance, il était préférable de recourir au concours public.

Le Moniteur du 30 octobre annonce l’ouverture du concours. Plusieurs architectes, aussi bien Haïtiens qu’étrangers, s’empressent d’y participer. Pendant une quinzaine de jours, on expose à la Chambre des Députés les 21 plans avec dessins, soumis par les concurrents. Après la sélection éliminatoire, le nombre de plans retenus sera ramené à cinq.

Dans Le Matin, les différents projets sont passés au peigne fin, et à propos du projet présenté sous le gracieux pseudonyme de “Petit Nid,” le journal opine en ces termes:



« Petit Nid est un palais impérial… La pensée de deux cours intérieures autour de la salle des fêtes est vraiment heureuse, car à part qu’elle donne de la somptuosité à celle-ci, elle lui assure de l’air et de la fraîcheur… Ce plan n’est pas celui du palais qu’on demande, et il y a même lieu de croire qu’il a été dressé par un étranger, maître de son métier, mais ignorant de nos besoins. C’est un palais sans doute, mais un palais dans une ville étrangère, avec tout le confortable que réclament les températures froides, comme le prouvent d’ailleurs les cheminées dont les pointes saillissent sur le toit. »

Bien sévère critique, et qui ne donnait aucune chance à ce projet de retenir l’attention du jury!...