Théodore, Guillaume et les Cacos  par Joseph Jérémie

Un extrait des Mémoires de Jérémie. Jérémie fut un intellectuel et homme d’Etat qui était le rival politique d’Anténor Firmim. Ci-dessous, il tente d’expliquer pourquoi les paysans étaient devenus une milice, les Cacos, et pourquoi ils aidèrent Davilmar Théodore et, plus tard, Vilbrun Guillaume à devenir président.

Je connaissais Davilmar Théodore depuis vingt-quatre ans. Sénateur de la République en 1911, il n’avait pas perdu l’espoir d’être un jour commandant d’un arrondissement dont Ouanaminthe serait le chef-lieu. Nous étions alors, lui et moi, députés à la 18e Législature, et nous avions pour collègue Vilbrun Guillaume.  Ces deux hommes devaient arriver à la Présidence pour être l’un après l’autre renversés par les cacos soulevés par eux.

Dans une étude spéciale nous chercherons le pourquoi des revers qui font des gouvernements amenés par les cacos des gouvernements éphémères [en référence  aux brèves périodes d’administrations de Tancrède Auguste, Michel Oreste, Oreste Zamor, Davilmar Théodore et Vilbrun Guillaume]. Le peu de temps que j’ai passé dans la région la plus redoutée du Nord me permet de formuler cette opinion :  le vrai caco est prêt à donner sa vie pour une cause qu’il croit juste. Son ignorance fait qu’on exploite sa sensibilité.

Cet homme qui se donne [à une révolution] n’accepte pas qu’on prenne les choses qui sont à lui. Il les laisse prendre ou plutôt les donne volontairement dans l’intérêt de la cause qu’il soutient. Il accepte que les insurgés maraudent dans son champ parce que ce sont des malheureux qui souffrent et qui ont faim ; il voit, au contraire, un voleur dans le gouvernement qui lui prend ce qu’il a planté.