Péralte et les Cacos par  Yveline Alexis

Alexis est  boursière du programme post-doc présidentiel à l’Université de Rutgers. Sa thèse est intitulée Nationalism and the Politics of Historical Memory: Charlemagne Péralte’s Rebellion Against the U.S. Occupation of Haiti, 1915-1986 /Le Nationalisme et la Politique de la mémoire historique : la rébellion de Charlemagne Péralte contre l’occupation américaine d’Haïti, 1915-1986 (2011).

Charlemagne Péralte est né en 1885 de la couturière Marie-Claire Emmanuel et du général Remi Massena Péralte, à Hinche, une petite ville au centre de l’île. Ayant achevé son éducation à la prestigieuse école Saint Louis de Gonzague à Port-au-Prince, Péralte suivit les traces de sa famille paternelle et devint politiquement actif en occupant des fonctions en République Dominicaine et en Haïti. Lorsque l’occupation des États-Unis débuta en 1915, il servait comme commandant de Léogane, une position d’influence, occupée précédemment par Cincinnatus Leconte, Oreste Zamor et le Président Vilbrun Sam.

Alors que la plupart des historiens qui ont écrit au sujet de Péralte s’attardent sur son leadership au sein des cacos, nous devrions noter qu’il protesta aussi contre la présence des États-Unis en tant que membre du Comité révolutionnaire qui employait généralement des moyens intellectuels pour protester contre l’occupation. Par exemple, lui et le comité endossèrent Rosalvo Bobo, un candidat présidentiel abhorré par l’administration des États-Unis.

Au début, Péralte utilisait des moyens diplomatiques et non agressifs pour s’opposer à l’occupation, comme le montraient ses communications aux Marines des États-Unis, et plus tard, au Président Woodrow Wilson à qui il ordonna de quitter Haïti avec Dieu. Après avoir été emprisonné sous des inculpations écrites par les Marines américains, Péralte fut aidé par un gendarme de la prison ; Lucsama Luc, qui était un caco infiltré, aida Péralte à s’échapper le 3 septembre 1918.

Quoique qu’il n’y ait pas encore d’histoire complète des cacos, leurs actions restent vivantes dans les souvenirs des Haïtiens. Ils étaient actifs pendant la Révolution Haïtienne et réapparurent à travers le 20ème siècle à chaque fois que l’Etat poursuivait des politiques qui menaçaient la sécurité économique ou politique d’Haïti. Au cours de l’occupation des États-Unis, les cacos se référèrent à la révolution haïtienne. Ils mirent sur pied un agenda pour restaurer la souveraineté nationale. Et ils utilisèrent ce message pour recruter de nouveaux membres, noirs et mulâtres, riches et pauvres, pour résister physiquement aux marines américains. Sous le commandement de Péralte, les cacos augmentèrent les attaques dans et autour de la capitale. Ils collaborèrent avec des sympathisants. Et ils écrivirent aux leaders aux États-Unis, en Angleterre et en France pour gagner leur support et mettre fin à l’occupation.



En fin de compte, les Marines américains et leurs alliés haïtiens parvinrent à infiltrer le camp de Péralte. Et le 3 octobre 1919, ils le tuèrent de même que plusieurs autres cacos. Les Marines exposèrent le corps de Péralte en public pour décourager l’opposition à l’occupation. Néanmoins, les Haïtiens continuèrent de résister à l’occupation jusqu’à ce qu’elle prenne fin en 1934. Et Péralte et son combat restent encore dans les mémoires jusqu’à aujourd’hui.