Le Combat pour les écoles  par Dantès Bellegarde (1877-1966)

Un extrait de La Résistance haïtienne (1937) de Bellegarde. En tant que Ministre de l’Education sous Dartiguenave, Bellegarde insistait pour qu’Haïti maintienne une éducation classique dans les écoles de la nation. Il était furieux parce que les Américains voulaient seulement l’éducation vocationnelle. Il devint encore plus indigné lorsque le Conseiller financier américain, John McIlhenny, opposa un véto à ses propositions.

Haïti n’avait besoin d’aucun expert étranger pour l’organisation de son système d’éducation publique. Le système qu’elle a adopté – parce qu’il est conforme à sa langue, à ses traditions et à ses aspirations propres – repose sur le système scolaire français, et quelque critique que l’on puisse faire de ce système sur beaucoup de points, les Américains seraient fort mal venus de le mépriser. Les besoins de l’enseignement haïtien peuvent être ramenés aux suivants :  1er préparation des maîtres et équitable rémunération de leurs services. 2e  construction de  bâtiments d’écoles et fourniture à ces écoles des mobiliers et matériels nécessaires à l’enseignement des trois degrés ; 3e  développement d’un enseignement agricole et industriel répondant aux nécessités économiques du pays et aux conditions sociales du milieu haïtien ; 4e  réorganisation du système d’inspection et de surveillance des écoles tant  du point de vue des études que de l’hygiène et de la culture physique.



Ce projet, communiqué par le Ministre des Finances au Conseiller financier [John] Mcllhenny, déchaîna la colère de celui-ci. Dans une lettre du 23 juin 1920, M. Mcllhenny déclara «  s’opposer absolument à un pareil projet », qui suivant sa propre expression, était « inopportun ».

Le refus de toute aide aux écoles haïtiennes par [Mcllhenny] était une politique systématique d’affamement qui devait conduire à la prise de possession du Département de l’Education nationale…il fallait en effet démontrér que les Haïtiens, par leur propre effort, étaient incapables de concevoir et de réaliser le progrès  a un état supérieur de civilisation.

La grande faute des Américains fut de créer la croyance par les méthodes cruelles qu’ils employèrent pour « affamer » les écoles haïtiennes qu’ils voulaient  ruiner le système scolaire d’Haïti, jugé par eux trop académique, pour y substituer un système purement professionnel pouvant seul convenir à une nation inférieure de « scieurs de bois et de porteurs d’eau ».