L’Ile magique  par le comité éditorial  d’Une ile lumineuse

L’occupation marine d’Haïti renouvela les intérêts américains dans des cultures qui étaient perçues comme exotiques. Désireux de se faire de l’argent à partir du temps passé en Haïti, les militaires américains, comme John Houston Craige et Faustin Wirkus, écrivirent des livres sur l’île et ses habitants. Ces livres servaient à amuser d’autres Américains. Ils étaient donc de nature sensationnaliste. Craige raconta des histoires au sujet de sorcières, de cannibales et de possession. Dans Black Bagdad /Badgad noir  (1933),  il raconte comment il devint fou quand on l’ensorcela. « Dans mes moments de lucidité, je m’écartais, écrivit-il. « D’étranges courants d’horreur et d’appréhension m’envahissaient. Mon esprit se tournait et se balançait. » Craige prétendit qu’il devint fou. « Je me retrouverais en train de regarder les yeux grand ouverts dans la lubricité, les mâchoires vertes de la folie… Je me débattais pour mon âme à travers la folie, les rêves rouges du délire. »  Ses compagnons disaient « Les tropiques ont eu raison de lui ».


 
Des voyageurs américains tels que Blair Niles et William Seabrook écrivirent des livres dans lesquels ils dénaturèrent la culture haïtienne. Dans son livreThe Magic Island /L’Ile magique (1929), Seabrook parla de son propre « baptême de sang » dans un temple en Haïti. Il décrivit le temple en détail et dessina même les  plans. « A travers cette porte extérieure » il rappela, « nous sommes entrés dans une antichambre sombre, sans fenêtres, comme une cellule, dans laquelle étaient attachées les bêtes à sacrifier. » Un peu plus loin dans le temple, écrivit Seabrook, « nous sommes passés par l’embrassure de la porte dans la longue chambre rectangulaire mystérieuse, le temple proprement dit, qui était éclairé par des bougies et des lampes rudimentaires à l’huile qui tremblaient comme des torches. Ses murs d’argile étaient couverts de peintures élaborées de grossiers symboles de serpents et de figures anthropomorphiques. »

Quoique Black Bagdad et The Magic Island fussent écrits pour amuser, ces livres eurent un impact terrible sur Haïti. Craige, Seabrook et Niles induisaient les Américains en erreur en leur faisant croire que les Haïtiens étaient des gens primitifs. Dans Black Haiti /Haïti noir (1926), Niles dit qu’en Haïti “ce n’est plus l’année 1925. C’est le sixième jour de la création.” Elle écrivit que « sous la lune culminante, nous regardions les créatures de la création danser. » Selon Niles, les gens primitifs comme les Haïtiens ne peuvent pas se gouverner. L’élite haïtienne, déclara-t-elle, “désire – désespérément- démontrer seulement des vertus anglo-saxonnes ; désespérément parce que les vertus de la race sont acquises à travers le lent processus de l’évolution, et ne peuvent être simulées à volonté. » Elle conclut donc que ce “n’est pas possible d’un jour à l’autre d’assumer le degré très imparfait d’auto gouvernance que nous avons atteint ». Des livres comme Black Haiti ont déployé le darwinisme social pour rationaliser l’occupation par les Etats-Unis. Ils faisaient aussi la promotion des stéréotypes dérogatoires qui perdurent encore aujourd’hui.