Le Mouvement indigéniste  par J. Michael Dash, Ph.D.

Dash est professeur de Français, d’analyse culturelle et sociale à New York University. Il a écrit de nombreux livres tels que Literature and Ideology in Haïti: 1915-1961 /Littérature et Idéologie en Haïti : 1915-1961 (1981) et Haiti and the United States: National Stereotypes and Literary Imagination /Haïti et les Etats-Unis : stéréotypes nationaux et imagination littéraire (1997).

Un mouvement littéraire radical des années 1920, l’indigénisme haïtien, fut provoqué par une réaction nationaliste à l’occupation américaine. Il était influencé autant par les idées de Charles Maurras et le primitivisme des années de l’entre-deux-guerres  en France que par le Harlem Renaissance et le régionalisme latino-américain.

Le médecin et ethnographe Jean Price-Mars exerça une influence énorme sur les militants de ce mouvement grâce à  son étude de la culture paysanne haïtienne, Ainsi Parla l’Oncle (1928), qui était une défense et illustration des racines africaines de la culture haïtienne. La revue littéraire de courte durée que fut La revue indigène (1927-28) dura six mois et eut six numéros. Elle était éditée par Emile Roumer en collaboration avec les poètes Jacques Roumain, Carl Brouard, Philippe Toby-Marcelin et Normil Sylvain. Alors qu’une autre revue, La Trouée, fondée au cours de la même année, était plus politique, La Revue Indigène se concentra principalement sur les évocations apolitiques du paysage haïtien et des scènes de la vie urbaine. Indirects dans leur opposition aux tentatives brutales des militaires américains à la modernisation, ces poèmes étaient sans précédent dans leur forme audacieuse et leur élévation du local et du quotidien au niveau de l’art. Ils protestaient contre le matérialisme occidental avec autant de force qu’ils célébraient une  spécificité haïtienne authentique.


Deux des voix les plus distinctives de cette génération de poètes furent celles de Philippe Thoby-Marcelin (1904-1975) et de Carl Brouard (1902-1965). Le premier était connu pour son expérimentation formelle dans la présentation des scènes de la vie haïtienne, comme dans « L’Atlas a menti » et « Grand’Rue » qui ont des représentations impressionnistes s’assimilant à des collages d’une Haïti en proie à une évolution rapide. Il n’était pas hostile à l’utilisation du créole dans ces compositions en vers libres et parfois drôles. Plus tard, il deviendra plus connu comme romancier. Son contemporain, Carl Brouard, fut beaucoup plus bohémien et mystique. Ses poèmes datant de cette période sont autant de violentes célébrations du cannibalisme que des évocations d’un monde de parias sociaux faits pour scandaliser la bourgeoisie haïtienne. Il fut initié dans la religion vaudou et ses poèmes pouvaient s’inspirer de la possession, par exemple, « Hymne à Erzulie. » Ses thèmes allait du sordide « Bouge » à la conscience sociale, « Vous, » à l’érotique « Ma muse. »

Dès l’arrivée des années 1930, l’indigénisme était déjà démodé. Les intellectuels façonnés par  ces idéaux choisissaient soit le marxisme soit le noirisme comme des idéologies mieux appropriées pour la reconstruction d’Haïti après la fin de l’occupation en 1934.