Musique et Résistance  par Michael Largey

Largey est professeur d’Ethnomusicologie à l’Université de l’Etat de Michigan. Il est l’auteur de Vodou Nation: Art, Music, and Cultural Nationalism /Nation Vodou : art, musique et nationalisme culturel (2006) et co-auteur de Caribbean Currents: Caribbean Music from Rumba to Reggae /Courants caribéens : musique caribéenne de la rumba au reggae (1996).

Durant l’occupation américaine d’Haïti de 1915 à 1934, la résistance haïtienne aux forces d’occupation variait d’une action militaire pure et simple des cacos armés aux manifestations artistiques par des artistes haïtiens, écrivains et compositeurs.

L’un des résistants musicaux les plus importants à l’occupation était le compositeur haïtien Occide Jeanty (1860-1936) qui écrivait la musique pour la Musique du Palais ou la Bande présidentielle. Le travail le plus connu de Jeanty, « 1804 », écrit en commémoration du 100ème anniversaire de l’Indépendance Haïtienne, fut adopté par e le public  haïtien pendant l’occupation comme un cri de ralliement contre les forces militaires américaines. Lorsque Jeanty interpréta « 1804 » au Champ de Mars devant le Palais National à Port-au-Prince, cela créa une telle émeute  chez le public que les Marines américains  interdirent éventuellement à Jeanty de jouer le morceau. Jeanty écrivit aussi la musique pour Miss Ragtime de Jehan Ryko, une parodie musicale qui ridiculisait les forces américaines d’occupation en imitant le créole haïtien écorché d’un visiteur américain en Haïti.



Un autre  compositeur important qui était actif durant l’occupation américaine était Ludovic Lamothe (1882-1953), un pianiste qui a eu du succès en écrivant des musiques dansantes telles que les méringues, les danzas et les valses. Lamothe écrivit une méringue intitulée « Nibo » pour la compétition carnavalesque de 1934 qui était une célébration de la fin du contrôle américain sur Haïti. Lamothe écrivit aussi des pièces pour piano comme « Sobo » et « Loco », qui célébraient l’héritage culturel africain d’Haïti à un moment où la plupart des compositeurs haïtiens se tournaient vers l’Europe pour leur inspiration artistique.

Justin Elie (1883-1931) était un autre compositeur qui composa de la musique durant l’Occupation, mais il s’inspira de la culture amérindienne pour son Kiskaya : une suite aborigène  pour orchestre (1928). La sixième danse dans « Méringues Populaires » (1920) d’Elie était basée sur « Totu pa gen dan » (la tortue n’a pas de dents), une chanson écrite par Auguste de Pradines, connu aussi sous le nom de Candio (ou Kandjo en créole haïtien), un célèbre chanteur dont les critiques sociales acerbes étaient populaires avec la majorité des  assistants haïtiens.

S’il est vrai que les compositeurs haïtiens entraient rarement en conflit direct ou physique avec les forces de l’occupation, ils utilisaient cependant leurs compositions pour dynamiser le public haïtien avec des idées de résistance à la domination étrangère.