Maurice Dartigue et l’Education par Mercer Cook (1903-1987)

Un extrait de Education in Haiti /L’Education en Haïti (1948) de Cook. Cook était un éducateur et diplomate Afro-Américain qui servit au Nigéria, au Sénégal et en Gambie.

Vue dans l’arrière-plan tumultueux de 1900-15, la période 1931-46 était, en général, paisible. Deux présidents - Sténio Vincent (1931-40) et Elie Lescot (1941-46) - furent dûment élus en accord avec la loi haïtienne, administrèrent le pays, quoique de manière dictatoriale selon les normes nord-américaines. Cette ère de tranquillité relative procura une atmosphère favorable au progrès éducatif, en dépit du fait que les responsables de l’éducation devaient faire face à la pauvreté et… d’autres problèmes… . Vincent s’était longtemps intéressé à l’éducation. En 1895, il avait collaboré avec L.C. Lhérisson sur La Législation de l’instruction publique, un volume indispensable pour l’étudiant en éducation haïtienne.

Des progrès en éducation furent certainement réalisés sous les deux présidents. De nouvelles écoles furent construites ; plusieurs écoles plus petites consolidées ; trois nouveaux lycées organisés ; les salaires ont augmenté ; la formation des enseignants s’est améliorée ; les inscriptions augmentèrent ; une organisation méthodique se mit en place ; la coopération avec les agences éducationnelles et les institutions américaines s’intensifia. Tout cela résultait des efforts d’un infatigable jeune éducateur… En tant que directeur de l’éducation rurale durant une partie de l’administration de Vincent, et Ministre de l’Instruction publique et de l’Agriculture sous Lescot de mai 1941 à octobre 1945, Maurice Dartigue se fit une certaine réputation de longévité dans les postes de cadres supérieurs en éducation et il fut en mesure d’appliquer plusieurs de ses idées sous deux présidents successifs. Certains s’opposaient à lui, cependant.

Lorsque Dartigue devint ministre, plusieurs Haïtiens craignirent que, dans son zèle pour l’éducation pratique, il saboterait les humanités.  Ils se rappelèrent ses liens étroits avec les Américains : en 1929, il avait été l’un des deux instructeurs à l’Ecole centrale d’Agriculture qui refusèrent de se joindre à la grève ; par la suite, il obtint sa  maîtrise de l’Ecole des Enseignants de l’Université de Colombie. La critique adverse augmenta car il envoyait de plus en plus de jeunes Haïtiens à l’université américaine, et à leur retour, les nommait à des postes de responsabilité administrative. Jusqu’en 1945, Le Nouvelliste, le quotidien le plus ancien d’Haïti, mena une campagne contre ceux qu’il appelait avec dédain les «  Maîtres de… ». Le ressentiment s’intensifia lorsqu’il ferma l’école normale des garçons, changea le personnel  et le curriculum de l’école normale des filles, inaugura des classes pour les enseignants des lycées, et adopta 65 pourcent comme la moyenne de passage dans toutes les écoles au lieu de la note traditionnelle française de 5 sur 10. Comme cela arrive toujours, certaines oppositions étaient sincères mais d’autres découlaient de griefs personnels ou d’une ambition politique.