L’Ascension de Trujillo par Lauren Derby

Derby est  professeure agrégée d’Histoire à l’Université de Californie, Los Angeles. Elle est l’auteure de The Dictator’s Seduction: Politics and the Popular Imagination in the Era of Trujillo /La Séduction du dictateur: la politique et l’imagination populaire à l’ère de Trujillo (2010).

Fils d’un voleur de bétail, Rafael Trujillo s’est élevé aux rangs de la Garde Nationale formée par les États-Unis en prenant le pouvoir dans un coup à peine déguisé en 1930. Un métis, -sa mère d’une famille haïtienne aisée qui émigra à Santo Domingo pendant l’occupation haïtienne (1822-44),-  Trujillo était un marginalisé social qui représentait un défi populiste face aux élites libérales qui gouvernaient depuis l’indépendance.  La doctrine de marchés ouverts et d’exportation de l’agriculture de ces élites  avait transformé l’économie en une monoculture basée sur le sucre produit pour le marché américain et en grande partie avec d’abord la main d’œuvre caribéenne puis haïtienne.

Comme l’économie s’effondra durant la Grande Dépression, ce modèle  commença à être considéré comme un échec désastreux, et le support augmenta pour un nationaliste fort qui pourrait protéger la souveraineté en établissant des mesures économiques protectionnistes et des frontières rigides pour repousser les Marines américains et les migrants haïtiens. Il arriva à le faire en rachetant autant que possible l’économie sucrière, en encourageant le remplacement des importations, aussi bien que par le massacre sauvage en 1937 de plus de 20,000 résidents frontaliers d’origine haïtienne, dont la plupart  avaient vécu paisiblement  depuis des générations sur le sol dominicain, et étaient donc des Dominicains selon la constitution. Pendant le cyclone San Zenón de 1930, qui détruisit la capitale Santo Domingo et réduisit la plus grande partie du centre-ville en gravats, Trujillo se présenta comme un homme du peuple, et fut constamment dans les rues, assistant les sans-abri et dirigeant l’aide médicale.

Au fait, il établissait une forme de régime basée sur la répression généralisée et un capitalisme de connivence, puisque le haut commandement de l’économie dépendait de lui, de sa famille et de ses proches collaborateurs. Il entretenait une image politique populiste à travers les laudateurs officiels qui écrivaient des livres exhortant les vertus de sa modernisation et le développement de la nation par les travaux publics. Un de ces écrivains était Sander Ariza dont le texte propagandiste intitulé Trujillo, l’homme et son pays (payé  et publié par le régime),  étalait un euphémisme caractéristique des Affaires Etrangères  pour présenter un « portrait très aimable de l’homme fort Dominicain ». Des textes de ce genre aidèrent à propager l’image de Trujillo comme un nationaliste progressiste, en dépit du régime de terreur qui incluait le meurtre d’ennemis politiques aussi loin qu’à New York, et la corruption extensive avec laquelle il détournait assez d’argent en espèces pour faire de lui un des hommes les plus riches des Amériques dans les années 1950.