La Fierté noire, le Pouvoir noir par Kersuze Simeon-Jones

Simeon-Jones est professeure adjointe  d’Etudes africaines et  d’Etudes francophones à l’Université de South Florida, Tampa.  Elle est l’auteure de Literary and Sociopolitical Writings of the Black Diaspora in the Nineteenth and Twentieth Centuries/ Ecrits littéraires et socio-politiques de la diaspora noire aux dix-neuvième et vingtième siècles (2010).

La “fierté noire” est essentiellement l’affirmation de soi par les Noirs par la transcription de l’histoire et la préservation de la culture. Le « pouvoir noir » est l’émancipation des noirs dans toutes les dimensions, par une éducation appropriée et le progrès. La première manifestation de l’émancipation des noirs organisée dans le Nouveau Monde commença à prendre forme au cours de la révolution de treize ans, qui conduirait à la création de la République d’Haïti. Pendant son régime en tant que Gouverneur Général,  Toussaint Louverture  se battit pour établir l’égalité raciale à Saint-Domingue. Cependant, la structure d’une hiérarchie socio-économique basée sur la couleur demeura tout au long de l’histoire du pays.

À son apogée dans les années 1940, le mouvement noiriste chercha à éradiquer le préjugé de couleur qui créait des opportunités favorables aux mulâtres. Le préjugé social et de couleur créé durant l’ère coloniale de Saint- Domingue – pour des profits économiques – gagna un nouvel élan de discrimination manifeste dans la république pendant et après l’Occupation américaine. Sous la présidence d’Elie Lescot (1941-1946) des mulâtres non qualifiés et des citoyens  au teint clair étaient choisis comme fonctionnaires en lieu et place de citoyens de peau sombre éduqués et qualifiés. Quoique des personnalités comme François Duvalier aient utilisé plus tard la philosophie noiriste comme pur discours politique, les objectifs initiaux du noirisme s’apparentaient à la dimension émancipatrice du mouvement indigéniste, au mouvement de la Négritude (dans une perspective transnationale) et plus tard, au mouvement Black Power aux États-Unis. L’idée de base était une dénonciation catégorique de l’injustice sociale et politique des Noirs, des Noirs  au teint plus foncé dans le contexte haïtien.

Dans sa Lettre ouverte au Dr. René Piquion, Directeur de L’Ecole Normale Supérieure sur son Manuel de la Négritude (1967), le Dr. Jean Price-Mars exposa sa théorie de l’éducation appropriée qu’il avait défendue dans La Vocation de l’élite (1919). L’intégrité intellectuelle peut seulement être atteinte à travers l’étude de sa propre histoire et la valorisation de sa culture. Par conséquent, un programme pédagogique doit être contextualisé à partir de l’histoire, de la condition présente et de la personnalité du peuple qu’il se propose d’éduquer.

La publication de Ainsi parla l’Oncle du Dr. Jean Price-Mars en 1928 marqua la formulation des valeurs des traditions sociales et religieuses de l’Afrique imbriquées dans la société haïtienne. En 1937, Psychologie haïtienne, vodou et magie du Dr. J.C. Dorsainvil – qui fut présenté dans une série de conférences aux États-Unis – démystifia le vodou à l’étranger ; il réaffirma ses racines pour les Haïtiens au pays. Dans Psychologie, Dorsainvil délimita la distinction entre la religion et la magie en examinant leurs différentes positions dans la société haïtienne aussi bien que leur origine respective.