L’Exposition internationale de Port-au-Prince, 1949-50 par Hadassah St. Hubert

St. Hubert est  doctorante et boursière du programme McKnight du Département d’Histoire à l’Université de Miami. Sa thèse portera sur la participation d’Haïti aux Foires et Expositions mondiales.

L’exposition internationale commémorant le bicentenaire de la création de Port-au-Prince offrit une opportunité au gouvernement haïtien, dirigé par Dumarsais Estimé, de transformer  la capitale de Port-au-Prince en une ville visionnaire « moderne ». De décembre 1949 à juin 1950, elle  a représenté un effort majeur du gouvernement haïtien pour faire avancer la modernité haïtienne sur une série d’aspects incluant l’embellissement urbain, la coopération internationale, la promotion du tourisme vers les sites historiques haïtiens et la valorisation de la culture nationale d’Haïti. L’exposition représentait la réponse du gouvernement haïtien aux plusieurs décennies de représentations négatives de la nation comme sauvage et incapable. Pour le gouvernement haïtien, la vision d’une ville « moderne » signifiait une meilleure infrastructure et la capacité de satisfaire les voyageurs étrangers à travers l’exaltation de la culture traditionnelle haïtienne, en y incluant les pratiques associées au vodou longtemps dénigrées. 



Dans la zone de l’exposition, aussi connue sous le nom de Cité de l’Exposition ou Cité Dumarsais Estimé, les visiteurs pouvaient marcher le long de la baie nouvellement créée et observer les palmiers et les bassins dans la zone des Palmistes ensemble avec une Grande Roue, un aquarium et d’autres attraits du spectacle Ross Manning. D’autres sites incluaient une arène de combats de coqs, les représentations folkloriques au théâtre de Verdure, un pavillon touristique du gouvernement haïtien avec d’autres pavillons plus petits représentant les autres départements d’Haïti. Des palmiers bruissants s’alignaient sur l’artère principale nommée Avenue Harry S. Truman reflétant l’accueil réservé par l’Exposition aux touristes américains. Le travail dans ce domaine montrait les œuvres  d’architectes étrangers et locaux tels qu’August F. Schmiedigen et Albert Mangonès. Les participants incluaient les États-Unis, la France, l’Italie, la Belgique, l’Espagne, San Marino, le Liban, la Syrie, la Palestine, le Canada, le Venezuela, le Mexique, l’Argentine, le Guatemala, le Chili, Porto-Rico, Cuba, la Jamaïque qui ont construit leurs propres immeubles et statues. La ville du Vatican, les Nations unies et l’Organisation des états américains (OEA) participaient également aux festivités.

Les représentations d’œuvres de toute la région par les artistes attestèrent de la notoriété de l’Exposition. Le théâtre de Verdure présenta des  spectacles des États-Unis, et des artistes européens, caribéens et latino-américains. Les participants comprenaient Irene Umilta McShine, un musicien de Trinidad, des chorales et des danses d’Espagne, le pianiste cubain Rosario Franco et la chanteuse d’opéra Marian Anderson des États-Unis. L’Exposition  a exhibé des divertissements régionaux des Caraïbes, avec des artistes noirs des États-Unis.   La représentation de Marian Anderson au Théâtre de Verdure attira plus de 3,000 spectateurs y compris Estimé et sa femme. Une partie de l’héritage de l’Exposition incluait la formation de la Troupe Nationale Folklorique, conduite par Jean Léon Destiné et Lina Mathon-Blanchet, qui porta leurs spectacles au niveau international.

Comme l’historien George Corvington l’a expliqué dans son livre Port-au-Prince au cours des ans (1743-1950), l’Exposition ou “le Festival de la paix” commémorait le 200ème anniversaire de la fondation de Port-au-Prince et  sa  planification commença en mars 1948 (Corvington, 459). Ceci laissait seulement un peu plus d’un an pour aménager Port-au-Prince. L’Exposition coûta plus de 4 millions à Haïti, d’un budget national de 13.4 millions de dollars (Smith, 144). Cependant, plusieurs immeubles de l’Exposition feraient désormais partie de l’architecture permanente de Port-au-Prince. Ces immeubles incluaient le pavillon présidentiel, le pavillon touristique, le pavillon postal, le pavillon agricole, la Fontaine lumineuse et le Théâtre de verdure (la scène de plusieurs  spectacles folkloriques et musicales).

Le 1er  mars 1950, Le Nouvelliste indique qu’un total d’environ 70,000 visiteurs s’étaient inscrits pour assister à l’Exposition. Le gouvernement haïtien espérait que le nombre augmenterait durant l’Exposition, et on peut dire sans crainte que l’Exposition d’Estimé fut exactement comme le magazine Life l’a nommée « La petite foire mondiale ». Au contraire des autres foires mondiales, elle n’a pas attiré des millions et n’a pas non plus admis carrément qu’elle s’attendait à le faire. Le tourisme était encore une industrie naissante et l’Exposition visait à attirer l’attention internationale sur Haïti, ce qu’elle a accompli. L’Exposition  avait été lancée avec l’intention de développer une ville « moderne » pour développer une industrie touristique pour les décennies futures.


Dépenser 4 millions de dollars dans l’Exposition constituait un énorme risque pour le gouvernement haïtien et provoqua beaucoup de critiques. Un coup, mené par les militaires haïtiens, fut lancé contre le gouvernement d’Estimé en mai 1950. Paul Eugène Magloire fut élu président en octobre 1950 et il continua la promotion gouvernementale de l’industrie touristique en collaboration avec Pan American Airways. Magloire fut en mesure de s’appuyer sur les changements structurels dans la capitale pour encadrer l’industrie touristique naissante et aider à tripler le nombre de visiteurs en Haïti pendant son régime. À cause de l’attention internationale, son régime fut identifié comme faisant partie de ce qu’on a appelé « l’Age d’or » du tourisme haïtien.