La Montée de Magloire à la présidence par le comité éditorial de l’Ile Lumineuse.

En fin de compte, le président Estimé ne survivra pas aux politiques radicales déchaînées en 1946. Il était incapable d’apaiser ses critiques qui croyaient qu’il était soit trop conservateur soit trop extrémiste. Lorsque le Sénat rejeta la proposition d’Estimé de revoir la constitution pour lui permettre un autre terme comme président, l’armée intervint, comme cela s’était passé en 1946, pour empêcher l’instabilité politique et superviser une transition du pouvoir. La junte provisoire était conduite par les mêmes militaires qui avaient dirigé le Comité Exécutif Militaire en 1946 : Frank Lavaud qui était maintenant  général, et Antoine Levelt et Paul Magloire qui étaient maintenant  colonels. Cette fois, cependant, c’était Magloire, et non Lavaud qui supervisait la transition.

Les trois hommes, Magloire, Lavaud et Levelt, apparurent dans la capitale le 10 mai 1950 pour annoncer les intentions des militaires. « Depuis avril dernier, le pays  traverse une situation compliquée et dangereuse qui a tenu la nation en haleine, »  expliquèrent-ils dans une proclamation publiée dans Le Moniteur. « Le président de la république [Estimé] a perdu le contrôle des événements qui se sont développés très rapidement  à la suite des  ambitions de certains individus depuis que le Sénat a rejeté les révisions de la constitution. Etant donné l’état inextricable des choses et l’incapacité du pays à continuer dans la paix et le calme, l’armée a décidé, par ordre de ses commandants, de prendre les mesures nécessaires pour protéger la paix publique afin que la situation n’arrive pas à un point de non-retour. » Ils garantissent « comme nous l’avons fait dans le passé récent, que nous respecterons totalement les accords internationaux conclus par la république d’Haïti, maintiendrons les normes démocratiques et garantirons la sécurité publique et le respect de la propriété. » Les militaires demandèrent au sénateur Dantès Bellegarde de superviser les révisions de la constitution. Et, ensemble les militaires et le Sénat organisèrent ensemble de nouvelles élections présidentielles. Au contraire des  compétitions antérieures, le vote était ouvert à tous les citoyens mâles âgés de plus de 21 ans. Anxieux de gagner la présidence, Magloire quitta le gouvernement provisoire et annonça sa propre candidature. Convaincu que l’armée orchestrerait le vote pour que Magloire soit élu, presque tous les politiciens, sauf un, boycotta les élections. Le 10 octobre de cette année, Magloire fut élu président.

À son inauguration en décembre, Magloire s’adressa à la nation. « Ce soldat vous dit Merci ». Finalement, il promit qu’il serait toujours un soldat. « Nous sommes à la disposition de la nation et nous ne désobéissons pas aux ordres. » Une fois de plus, Magloire prit la responsabilité que les États-Unis confièrent à l’armée d’Haïti au cours de l’occupation trente ans plus tôt. Elle empêcherait  l’instabilité. L’intervention militaire avait établi un précédent, et serait reproduite en 1986 et 1991. Entre 1957 et 1985, cependant, les successeurs de Magloire, les Duvalier, prendraient des mesures pour l’empêcher. Ils créèrent une milice, les Tontons Macoutes, qui rivalisaient avec les militaires en terrorisant la société civile.