Kennedy, Bosch et Duvalier par Carlo A. Désinor

Un extrait de Il était une fois Duvalier, Bosch et Kennedy (1989).  Désinor était un journaliste et historien respecté. Ci-dessous, il révèle comment le président de la République Dominicaine, Juan Bosch, faillit intervenir pour renverser Duvalier en 1963 lorsque l’État haïtien viola la sainteté de l’ambassade dominicaine pour poursuivre un chercheur d’asile politique. Entretemps, comme Bosch, le président John F. Kennedy voulait renverser la dictature en Haïti et avait ordonné à la Marine américaine  de se mettre en position d’intervenir.

A une heure de Port-au-Prince, de l’autre côté de la frontière, le gouvernement Bosch dispose en héritage de la plus grande force armée de la région. Contre Haïti, le président dominicain est prêt à engager  10.000 fantassins, 6.000 marins, 4.000 aviateurs et 10.000 policiers.

Pendant que Bosch maintient à la frontière sa respectable armada en position d’alerte, la situation évolue sur le terrain et de façon plutôt inattendue. Le 8 mai 1963, le commandant de l’Unité navale haïtienne GC-8 (La crête à Pierrot) informe le commandant  de la Gendarmerie maritime d’Haïti que le mardi 7 mai, vers les 18 heures, au cours de sa patrouille, le G.C-8 a rencontré sept (7) unités de la marine américaine  stationnées à 23 milles environ de la baie de St-Marc.

En République Dominicaine, la situation commence à se retourner contre Juan Bosch. Les premières difficultés viennent des Forces Armées dont les stratèges commencent à douter de la réussite indiscutable de la campagne haïtienne, compte tenu des particularités difficiles du paysage haïtien et malgré la supériorité militaire écrasante des Forces armées dominicaines.

L’administration américaine devant la tournure des évènements, semble réviser ses plans. Les entretiens entre le chancelier haïtien René Charlmers et le Secrétaire d’Etat américain Dean Rusk sont perçus comme un préalable à une normalisation des relations entre les deux pays. Kennedy, à l’affût d’un désordre à Port-au-Prince ou d’une prise d’armées quelconque quelque part en Haïti qui lui servirait de prétexte pour débarquer ses troupes, perd de plus en plus l’initiative de la situation. En Haïti tout est calme. Et la moindre clameur  qui se lève est une manifestation de soutien au président Duvalier qui se voit entouré d’une nouvelle mystique nationaliste.