Les États-Unis et Duvalier par  Steven G. Rabe

Rabe est titulaire de la Chaire Ashbel Smith du Département d’Histoire à l’Université de Texas à Dallas. Il a écrit de nombreux livres sur la diplomatie américaine de la Guerre froide, tels que Eisenhower and Latin America /Eisenhower et l’Amérique latine  (1988)et The Killing Zone: The United States Wages Cold War in Latin America /La Zone de la mort : les Etats-Unis  partent en Guerre Froide contre l’Amérique latine (2011).

Au début, les États-Unis avaient bien accueilli l’ascension de François Duvalier à la présidence d’Haïti en 1957. Les officiels américains percevaient Haïti comme une nation nécessiteuse avec peu de valeur stratégique ou économique. Entre 1945 et 1960, les États-Unis accordèrent à Haïti une assistance économique de 70 millions de dollars. Le commerce américain avec Haïti s’éleva seulement à 50 millions de dollars par année, et Haïti ne produisait pas des matériaux bruts stratégiques. L’administration de Dwight D. Eisenhower ne pouvait plus tolérer la corruption endémique de la présidence de Paul Magloire (1950-1956) et fit pression pour qu’il démissionnât. Les officiels américains étaient optimistes au sujet du Dr. Duvalier, puisqu’il avait étudié la santé publique à l’Université de Michigan et participé dans les programmes subventionnés par les États-Unis pour éradiquer les maladies tropicales, comme la malaria et la typhoïde en Haïti.

Avec son programme d’aide économique Alliance pour le Progrès, le président John F. Kennedy s’engagea pour construire des nations démocratiques, prospères et progressistes dans l’hémisphère ouest. En 1961, Haïti reçut $1,5 millions en aide économique. Au milieu de l’année 1962, l’administration de Kennedy suspendit son assistance, parce qu’elle était dégoûtée de la politique répressive du Président Duvalier et son pillage des ressources publiques. En outre, les officiels américains étaient outrés par les tentatives de Duvalier de  faire du chantage aux  États-Unis. Duvalier avait souvent menacé de se tourner du côté du Cuba de Fidel Castro et du bloc communiste si les États-Unis n’agréaient pas ses demandes de financement de projets tels que l’aéroport. Et l’administration de Kennedy et celle de Lyndon B. Johnson concertaient avec les groupes d’exilés haïtiens qui avaient juré de renverser Duvalier. Mais ces efforts ne débouchèrent pas sur grand-chose. L’administration de Johnson restaura l’aide économique – aux environs de 1.5 millions de dollars entre 1964 et 1968- à cause de l’extrême  pauvreté d’Haïti. Les États-Unis détestaient le régime du président Duvalier mais en fin de compte toléraient sa dictature. Duvalier était sans aucun doute odieux, mais il n’était pas  communiste. Pendant la Guerre Froide, les États-Unis accordaient plus de valeur à l’anticommunisme à et la stabilité en Amérique latine qu’à la démocratie et à la justice sociale.