Le Problème de l’érosion du sol haïtien par Mats Lundahl

Lundahl est professeur d’Economie du développement à la Stockholm School of Economics en Suède. Il a écrit de nombreux ouvrages sur l’économie et l’environnement haïtiens, tels que Peasants and Poverty /Paysans et Pauvreté (1979), Poverty in Haiti/ La Pauvreté en Haïti (2011), et The Political Economy of Disaster/L’Economie politique du désastre (2013).

Haïti a la pire érosion du sol de l’hémisphère occidental. La « frontière terrestre » qui existait autrefois fut fermée vers la fin du XIXème siècle et le  ratio homme-terre en agriculture a continué d’augmenter depuis. Alors que la population rurale s’accroît, les cultures vivrières sont plantées au lieu des cultures arboricoles, notamment le café, sur les flancs raides des montagnes. Au fil du temps, il y a une tendance pour que la production des cultures vivrières augmente et celle des cultures d’exportation se réduise. Ceci est fatal, car le café est un arbre qui protège le sol et le lie. Les cultures vivrières par contre, laissent le sol exposé avant la plantation, ce qui coïncide avec la saison pluvieuse. Par conséquent, chaque année des averses tropicales emportent une quantité considérable de couche arable des flancs de montagne cultivés. Donc, au fur et à mesure que les cultures d’exportation sont remplacées par les cultures vivrières, le risque d’érosion augmente.

Une fois que l’érosion a démarré, elle se nourrit elle-même, même dans l’absence de l’augmentation de la population. Comme la terre est détruite, plus de caféiers ont été déracinés pour faire de la place à la production de nourriture. L’érosion n’est  autre chose qu’une réduction de la terre arable et une telle réduction avec une population  spécifique  produit exactement le même effet que l’augmentation de la population dans une zone  spécifique. Une fois de plus, la production de cultures vivrières, et avec elle le ratio d’érosion augmente, pendant que la production de cultures d’exportation se réduit.

Le processus d’érosion a exercé une forte pression décroissante sur les revenus des paysans  pendant plus d’un siècle. Le renverser n’est pas facile. C’est coûteux, et les bénéfices ne seront évidents que dans le futur. Cela nécessite aussi la coopération, car si un seul paysan choisit de  travailler ses terres en terrasses et que ses voisins ne le font pas, la probabilité est forte que ses terrasses seront érodées de   toute façon.