La Chute de la dictature Duvalier  par Amy Wilentz

Wilentz est professeure de Politique à l’Université de Californie en Irvine. Elle a écrit plusieurs livres, tels The Rainy Season: Haiti Since Duvalier /La Saison pluvieuse : Haïti depuis Duvalier (1990) et Farewell, Fred Voodoo: A Letter from Haiti /Au revoir, Fred Vodou : une lettre d’Haïti (2013).

Baby Doc resta au pouvoir durant quinze ans, aidé par quelques-uns des conseillers autoritaires et violents de son père, mais son gouvernement commença à montrer des signes d’échec à la fin des années 1970, quand le président des États-Unis, Jimmy Carter, commença à mettre la pression sur Duvalier pour mettre fin aux abus des droits de l’homme en Haïti. L’assistance du régime dans l’éradication des cochons haïtiens, vus communément comme le compte d’épargne des paysans, sponsorisé par les États-Unis, affaiblit Duvalier davantage.

Pendant que sa poigne se relâchait, le peuple haïtien, sentant sa vulnérabilité et dégoûté par le programme d’éradication des cochons ainsi que par les abus des Tontons Macoutes et des ministres et parents de Duvalier commença à s’élever contre le régime. Pendant ce temps, l’économie haïtienne empirait, en partie à cause de la peur du SIDA au début des années 1980, qui dérangea sévèrement le commerce rentable du tourisme à  Port-au-Prince et à Jacmel.



La révolte ouverte contre Duvalier commença dans l’importante capitale agriculturale des Gonaïves en 1985, après le meurtre de quatre élèves par les autorités pendant une manifestation anti-gouvernementale. Les protestations se propagèrent et dès la fin de janvier 1986, il fut clair que le gouvernement américain ne pouvait plus tolérer l’instabilité que la faiblesse de Duvalier et son manque de jugement politique avait provoquée. Le Département d’Etat agissait  en coulisses pour trouver un remplacement convenable – les États-Unis ne voyaient pas d’un bon œil l’idée d’un influx d’Haïtiens réclamant tous le statut de réfugié politique. En effet, Duvalier quitta le pays le 7 février 1986, remplacé par une junte civile-militaire qui était censée organiser des élections.

Suivant son départ, des groupes importants d’individus prirent les rues dans un mouvement appelé dechoukaj ou déracinement, un terme agricole. Le dechoukaj fut un mouvement de masse qui ciblait des fonctionnaires du régime de Duvalier ainsi que des membres des Tontons Macoutes et des prêtres vaudou associés au régime. Pendant le dechoukaj, bon nombre de personnes de ces catégories furent tuées, ainsi que d’autres victimes des vendettas personnelles menées sous le couvert du dechoukaj. Plusieurs entreprises et maisons associées aux officiels du régime ou aux parents des Duvalier furent brûlées ou pillées.

En novembre 1987, la première tentative de la junte pour organiser des élections dut être avortée après que des électeurs aient été attaqués et tués aux lieux de vote par des escadrons de la mort paramilitaires organisés. Ce ne fut que quatre ans après la chute de Duvalier que des élections libres eurent lieu ; lors de celles-ci l’ancien prêtre et théologien de la libération Jean-Bertrand Aristide fut élu président dans une démonstration historique de volonté politique par le peuple haïtien.