Le Mouvement démocratique  par Fritz Deshommes

Deshommes est professeur d’Economie à l’Université d’État d’Haïti. Il a écrit de nombreux livres, tels Haïti : la nation écartelée (2006). Ci-dessous, Deshommes explique comment plus de 800 représentants participèrent au premier congrès national de mouvements démocratiques au début de l’année 1987.

Plus de 800 ils étaient. Ils proviennent de tous les coins géographiques du pays. Ils représentent tous des organisations, la plupart fraîchement écloses. Ils rêvent tous de changement.

Alors, forts de la conviction que ce pays peut fonctionner autrement, que nous sommes tous concernés par ce qui s’y passe, que même ceux dits << de l’élite >> n’en sont pas exempts et qu’il revient à nous, Haïtiens, de faire le changement qu’il faut – personne ne le pouvant à notre place -, ils se sont réunis  au << Congrès des Mouvements Démocratiques. >>

Des paysans, des ouvriers, des intellectuels, des commerçants, des industriels, des artisans, des prêtres catholiques, des protestants, des vaudouisants. Plus de 800 ils étaient. Plus de 800 délégués appartenant à 284 organisations différentes réparties à travers tout le pays. Tous porteurs d’inquiétudes, de préoccupations, de questionnements. Mais aussi de visions d’avenir, de rêves, de projets de société. Ils ne s’étaient jamais (ou presque) rencontrés auparavant. L’autre ne disait-il pas : << Mettez deux Haïtiens ensemble, ils fonderont trois partis politiques. >> Pourtant, ils ont discuté pendant quatre jours et sont même parvenus à un accord. Sur un projet nouveau de société.



La population était donc aux abois, se sentait impuissante à contrer la machine [néolibérale] mise en place par le Ministre des Finances de l’époque et le gouvernement militaire du CNG. Il fallait donc trouver d’autres instruments de combat, porter la lutte sur d’autres espaces. On s’est alors tourné vers les constituantes qui, de leur côté, en profitaient pour donner à leur travail une légitimité et un sens leur permettant de se mettre au diapason des préoccupations de l’époque.

Diverses personnalités, organisations civiques, associations professionnelles, organisations de la société civile de tous types et de tous les recoins du pays ont participé à l’élaboration de cette Constitution qui se sera révélée une œuvre collective ayant réussi à cristalliser les revendications du moment.

Au contraire de la croyance généralement répandue, la Constitution de 1987 n’est pas seulement l’article 291. C’est aussi la réforme agraire, la décentralisation, la participation, l’inclusion, la lutte contre les discriminations et l’exclusion, l’accession de tous à la qualité de citoyens, sans distinction de classe, de race, de langue ou de religion.