Le Prêtre Président d’Haïti  par Hyppolite Pierre.

Pierre est auxiliaire du corps professoral en Sciences politiques à l’American Public University. Il est l’auteur de Haiti, Rising Flames from Burning Ashes: Haiti the Phoenix /Haïti, flammes montantes de cendres brûlantes : Haïti le phénix (2006).

Jean-Bertrand Aristide, qui devint la figure politique de l’ère post-Duvalier pour les 15 ans à suivre, fut un adhérent de la théologie de la libération qui prit une place de premier plan en Amérique latine dans les années 1960 et 1970. Il n’a jamais été marxiste, comme le prétendent ses ennemis, mais était plutôt un prêtre radical qui a dit une fois dans un rassemblement publique que le « capitalisme était un péché mortel. » Si une chose caractérisait Jean-Bertrand Aristide, c’était son utilisation efficace de la langue haïtienne pour transmettre un message d’espoir et de fierté aux masses. Bien que Baby Doc Duvalier  ait été l’un des premiers, sinon le premier, à donner des discours entiers dans la langue haïtienne, le créole, Aristide éleva cet outil communicatif à un niveau sans précédent, utilisant l’imagerie poétique et culturelle pour élever la conscience politique. Il fut admiré pour ceci et même adulé par des gens non seulement dans les classes inférieures, mais par des sections de la classe moyenne et même des éléments progressifs de l’élite. Il prouva une fois de plus l’importance de la culture dans la politique. En effet, comme la langue est une forme très puissante de l’expression culturelle, Aristide l’utilisait comme pour dire qu’il embrassait la culture populaire dans toutes ses formes, avec sa force et ses défauts. Ce fut peut-être une leçon importante pour tous. Alors qu’il gagnait en popularité et reconnaissance, Aristide fut envié par d’autres politiciens et incarna l’ennemi pour plusieurs d’entre eux, y compris les régimes militaires successifs qui furent en place entre 1986 et 1990. Il survécut aux tentatives d’assassinat, devint le chouchou de la gauche, et ainsi débuta sa carrière politique.

Les partisans impénitents d’Aristide peuvent essayer de se consoler en croyant qu’Aristide lui-même fut un prêtre non-violent. La conclusion, cependant, n’est pas aussi simple. Même en tant que prêtre à l’Eglise Saint Jean Bosco à Port-au-Prince et dans d’autres endroits, Aristide fit souvent appel aux expressions violentes pour communiquer le besoin de réformes politiques. Cela créa une atmosphère de peur parmi ceux qui se sentirent visés. Pire, quand il devint président d’Haïti et peu avant le premier coup contre lui qui coûta des milliers de vies, Aristide fit un discours politique alors qu’il revenait d’une réunion annuelle des Nations Unies des chefs d’état à New York, dans lequel il fit référence à la forme de mise à mort redoutable administrée aux Duvaliéristes purs et durs comme avertissement aux fomenteurs du coup de ce qui pouvait leur arriver s’il était renversé. La vidéo de ce discours montrant un Aristide venimeux fut largement distribuée par la suite par ses détracteurs et par les supporteurs du coup comme justification de l’avoir enlevé du pouvoir.