L’Embargo  par Glodel Mezilas

Mezilas est professeur à l’Universidad Nacional Autónoma de México. Il est l’auteur de Haití más allá del espejo /Haïti au-delà du miroir (2011) et Généalogie de la théorie sociale en Amérique Latine (2013) et a écrit de nombreux articles sur l’épistémologie et la philosophie de la culture en Amérique Latine et dans la Caraïbe.

Un résultat du coup militaire contre le Président Jean-Bertrand Aristide en 1991 fut que les Nations Unies, dont Haïti est un membre fondateur, sanctionna l’armée haïtienne, en imposant un embargo, avec l’objectif d’accélérer un retour à la démocratie. Le coup militaire eut lieu à un moment où le pays commençait à respirer une nouvelle ère de démocratie, de paix et de reconstruction nationale après 29 ans de dictature. Le coup visait à rétablir « l’ancien régime » avec le support de la bourgeoisie, l’aile conservatrice de l’armée, des membres de milice paramilitaires et les États-Unis d’Amérique.

L’embargo eut plusieurs conséquences pour le pays. Sur le plan économique, le pays perdit un quart de sa production ente 1992 et 1994. Il devint plus pauvre que sous la dictature de la dynastie Duvalier. La production per capita fut estimée à $250 par année ; et en ce qui concerne la nourriture, Haïti ne pouvait produire même les deux tiers de ce qu’il avait produit des années auparavant. Plus  de 70 pourcent des Haïtiens vivaient avec moins de $1 par jour. Le taux de mortalité infantile augmenta et les exports diminuèrent. Les exports s’élevaient à $226 milliards en 1980, mais tombèrent à $100 milliards en 1995. Le PIB chuta de 30 pourcent entre 1991 et 1995. Pendant ce temps, la population augmenta d’entre 2 à 3% par année. Pendant cette même période, la production des céréales diminua. Le désastre économique eut un impact sur la configuration sociale, la question de l’urbanisation et l’appauvrissement de la société toute entière.

Sur le plan politique, l’embargo finit par affaiblir l’état déjà faible d’Haïti. L’armée fut incapable d’empêcher le retour de Jean-Bertrand Aristide en 1994 ou sa propre démobilisation en 1995. Pour finir, disons que l’embargo renforça la dépendance de l’état et de l’économie d’Haïti sur les étrangers, limitant la capacité nationale de faire face aux défis d’un nouvel ordre mondial. Le retour de la démocratie en 1994 n’a pas conduit à la relance économique ou à la consolidation de l’Etat.