Révérend Gérard Jean-Juste et le Centre des Réfugiés Haïtiens à Miami  par Alex Stepick

Stepick est professeur de Sociologie à l’Université  d’Etat de Portland. Il a écrit et édité de nombreux livres sur la communauté haïtienne aux États-Unis et l’immigration, tels Pride against Prejudice: Haitians in the United States / L’Orgueil contre les préjugés : les Haïtiens aux Etats-Unis (1998), This Land is Our Land: Power and Interethnic Relations in Miami /Cette terre est notre terre : le pouvoir et les relations inter-ethniques à Miami (2003), and Immigrant Faiths: Transforming Religious Life in America /Les Fois immigrantes : la transformation de la vie religieuse en Amérique (2006).

Le Centre des Réfugiés Haïtiens (HRC)  ouvrit ses portes au milieu des années 1970 en offrant de l’assistance légale aux réfugiés, en accueillant des réunions le samedi soir pour mettre les réfugiés au courant des développements légaux, et en organisant des manifestations locales à l’occasion. À la fin de 1975, il reçut un soutien important quand le Conseil National des Eglises établit le Haitian Refugee Concerns. Son but à l’origine fut explicitement politique : organiser les migrants haïtiens et les groupes de support communautaire. Bientôt, les deux convergèrent et dès la mi-1978, un groupe dirigé par les seuls Haïtiens, Combit Liberté (rebaptisé Veye-yo, gardez-les à l’œil, après la chute de Duvalier en 1986) émergea et devint la  voix politique principale des réfugiés haïtiens de Miami.

Le révérend Gérard Jean-Juste fut directeur exécutif du Centre des Réfugiés Haïtiens et le leader de Combite Liberté  dès son arrivée à Miami de Boston en 1977 jusqu’en 1990 quand il quitta Miami pour Haïti où il devint vite membre du gouvernement du Président Jean-Bertrand Aristide, nouvellement élu. A l’origine, Jean-Juste quitta Haïti en tant que jeune homme et entra au séminaire à Porto Rico. En 1971, un évêque haïtien en exil à New York l’ordonna prêtre après quoi il enseigna l’anglais aux Haïtiens à Boston. Dès son arrivée à Miami, il critiqua l’archevêque local pour son inactivité par rapport à la question des réfugiés haïtiens. Bientôt, la hiérarchie catholique locale l’ostracisa,  lui interdisant de célébrer la messe dans la région. Tout au long de son temps passé à Miami, il se réjouit de son rôle comme rappel constant à la conscience de l’établissement local concernant les Haïtiens et il fut le porte-parole haïtien le plus souvent cité. Son opposition vocale au statut quo finit par avoir comme résultat la perte du support du Conseil National des églises pour l’organisation. La Fondation Ford prit le relais pendant quinze ans.

Tandis que les activités politiques de Jean-Juste et du HRC étaient hautement visibles, les services légaux rendus par le HRC se révélèrent plus critiques à la formation de la communauté haïtienne de Miami. La majorité du travail fut la représentation des Haïtiens dans des audiences par rapport à l’asile et était fait principalement par des avocats non-Haïtiens ainsi que par des assistants juridiques haïtiens. Le travail le plus significatif fut des recours collectifs en justice au profit des revendications d’asile par des Haïtiens. Les victoires légales frustraient les efforts du gouvernement des États-Unis  pour réprimer le flux des Haïtiens au sud de la Floride. Sans ces victoires légales, il est probable que le gouvernement des États-Unis aurait réussi dans ses efforts et un noyau critique de la communauté haïtienne de Miami ne se serait jamais formé.

Pendant les années 1980 et 1990, le HRC fut le centre physique de l’activité politique à Little Haiti. Quand le dictateur Jean-Claude Duvalier quitta Haïti en 1986, des Haïtiens fêtèrent dans la rue devant le HRC. Quand l’armée prit le contrôle par des coups d’état répétés, à chaque fois, des manifestations remplirent la même rue. Quand l’ancien prêtre, Jean-Bertrand Aristide, fit campagne pour la présidence en visitant Miami, le HRC organisa des manifestations massives en support à la démocratie. Quand les média locaux ou nationaux voulaient des citations sur les réfugiés haïtiens ou la politique en Haïti, ils allaient d’abord au HRC.

Enfin, après le retour d’Aristide à la présidence en 1994 et la diminution du nombre de réfugiés, HRC perdit son focus et son intensité. Les média appelaient moins souvent et les Haïtiens eux-mêmes perdirent leur solidarité en opposition aux dictateurs militaires. Dans l’espace de quelques années, la Fondation Ford enleva son financement du HRC, des factures restèrent sans paiement, le personnel  fut réduit, et des travailleurs désœuvrés se demandaient quand la fin allait arriver.