Le Débat autour de la présidence et le Renversement d’Aristide  par Dimmy Hérard

Hérard  doctorant dans le Département de Politiques et Relations internationales à la Florida International University. Sa thèse portera sur la démocratie et la politique en Haïti.

Le 7 février 2001, Jean-Bertrand Aristide retourna une fois de plus au Palais National en tant que président élu d’Haïti. Son nouveau mandat, cependant, fut marqué par la controverse. Alors que les opposants politiques, parmi lesquels plusieurs anciens alliés qui avaient depuis rompu  avec le parti d’Aristide, Fanmi Lavalas, montrèrent des irrégularités dans les élections législatives de mai 2000, Fanmi Lavalas gagna le contrôle du Parlement, ce qui résulta dans une majorité d’un seul parti. Boycottant l’élection présidentielle qu’Aristide gagna, l’opposition forma un gouvernement alternatif baptisé la Convergence Démocratique (CD).

En 2003, la CD gagna le support du « groupe des 184 » (G 184), un amalgame de 184 individus, entreprises et organisations – menés par l’entrepreneur Andy Apaid, Jr. et Réginald Boulos – farouchement opposés à Aristide et à la Fanmi Lavalas. Pour les trois  années suivantes, Haïti fut pris dans une impasse politique alors que l’économie déclinait rapidement, en partie à cause des États-Unis  qui avaient suspendu l’aide, parce qu’ils croyaient qu’Aristide et Fanmi Lavalas étaient en grande partie responsables de cette situation.

L’impasse fut finalement rompue le 29 février 2004 quand une organisation paramilitaire composée d’anciens soldats et des gangs, menés par un ancien chef de police, Guy Philippe, prit contrôle de la capitale d’Haïti, et Aristide s’embarqua à bord d’un avion des États-Unis, qui le conduit en exil en République Centrafricaine. Les événements qui conduisirent au renversement d’Aristide ont été largement débattus depuis. Des auteurs comme Paul Farmer, Peter Hallward et Jeb Sprague croient que le G184 a finalement servi les intérêts des grandes entreprises américaines, alors que les États-Unis ont suspendu l’aide et ont fermé les yeux sur, et même approuvé, la décision de G184 et CD de ne pas coopérer avec le président élu d’Haïti et Fanmi Lavalas. Des auteurs comme Randall Robinson croient même qu’Aristide fut « kidnappé » le jour où il monta à bord de l’avion américain qui le conduisit en exil. D’autres chercheurs, comme Alex Dupuy et Robert Fatton, cependant, croient qu’Aristide fut au moins partiellement responsable de sa propre chute, parce qu’il était incapable ou peu disposé à maintenir des alliances traditionnelles avec des groupes comme l’Organisation du peuple en lutte (OPL). Aussi, Aristide avait aliéné la puissante communauté entrepreneuriale d’Haïti en encourageant l’embargo des Nations Unies entre 1993 et 1994, et ensuite en résistant aux réformes de commerce libérales que les États-Unis présentèrent comme condition de son intervention militaire pour restaurer Aristide au pouvoir en 1994. Entretemps, des auteurs comme Michael Deibert maintiennent que plusieurs Haïtiens devinrent mécontents d’Aristide parce qu’il employa des gangs de rue, connus sous le nom de chimères, pour intimider et éliminer non seulement des opposants politiques, mais aussi des anciens alliés qui avaient failli dans leur loyauté. On croit aussi qu’Aristide est impliqué dans un scandale de blanchissement d’argent des télécommunications.