Le Séisme de 2010  par Claire Antone Payton

Payton est  doctorante dans le Département d’Histoire à Duke University. Elle est la créatrice de Haiti Memory Project, qui recueillit des témoignages sur le séisme de 2010.

L’importance du séisme du 12 janvier 2010 comme événement historique découle des centaines de milliers de vies perdues et aussi du grand impact qu’il a eu sur les femmes et les hommes individuels qui  y ont survécu. Dans plusieurs cas, comprendre comment les gens se souviennent du désastre exige de  considérer  le rôle que joue la religion dans la formation de l’expérience. Les passages ci-dessous suggèrent quelques-unes des diverses façons dont les gens ont  vécu l’expérience du désastre à travers le prisme de la spiritualité.

Un homme que j’ai rencontré en novembre 2010 à Cité Soleil se rappela la prière que le séisme lui avait inspirée à prier, mais une prière différente de celles qui l’entouraient : « J’étais dans mon quartier. Quand je me suis assis, j’ai vu la terre trembler, zzzzzzzzz, la terre tremblait, j’ai vu que la terre tremblait. ‘Je suis un tremblement de terre !’ Mais quand j’ai vu que la terre tremblait trop, j’ai fait ma paix avec la Mort. J’étais nerveux, aussi, pour moi, la terre tremblait trop. J’ai vu la Mort devant moi. La terre tremblait trop. Des maisons sont tombées. La terre tremblait. Quand elle s’est arrêtée, je me suis mis debout et je suis allé vers ma maison. Des gens étaient à genou : « Mère Marie, Jésus, Jésus, sauve-moi, sauve-moi.’ Je n’ai pas dit ça. J’ai prié à la terre, parce que je donne toujours mes prières à la terre. Je suis venu de la Terre, et je retournerai à la Terre. J’ai mis mes doigts au-dessus de mon cœur. J’ai dit : ‘Terre, tu es mon amour. Sois aussi mon protecteur  durant ces événements. Je te supplie, mon Seigneur, que ton pouvoir tout-puissant m’aide, qu’il purifie mon cœur, et me garde contre ta colère. Amen, Amen, Amen.’ J’ai dit cette prière en trois fois, et je suis retourné à ma maison, lentement. »

En juin 2010, une jeune étudiante en génie civil, François Erylne, partagea ses souvenirs de son école s’écroulant et l’ensevelissant avec ses camarades de classe sous les décombres : Je dis : « mon dieu ». Et tous les gens courent, et moi je reste assis, en disant « Jésus, Jésus, Jésus, Jésus ». Et alors, je ne sais plus qu'est-ce qu'il y a. J'entends seulement des bruits, des cris, des étudiants qui qui crient : « Jésus, Jésus, Jésus ». Et des fils, des murs, des blocs, tout ça tombe. C'est… c'était incroyable. En ce moment-là je… Je ne sais plus où je suis, qu'est-ce qui [se] passe. Tout simplement j'entends des cris très très forts. Des étudiants crient très très forts et moi je cris (sic) plus fort : « Jésus, Jésus, Jésus, Jésus » Il y a des fils des murs tout ça c'est crac crac crac crac je me sens c'est comme ça, donc, et après je me retrouve sous le béton. Avec mes nez rempli (sic), mes oreilles remplis (sic) avec des graines  de sable, tout ça, et je trouve y avait trois d'autres (sic) étudiants près de moi qui crient très fort : « Qu'allons-nous faire? Comment? Comment nous pouvons sortir d'ici? » Et ils pleurent. Y a, y a deux trois qui pleurent très fort, et je leur ai dit : « Non, ne pleure (sic) pas car Dieu vient nous délivrer ce soir si c'est sa volonté. Et si c'est sa volonté pour nous mourrons (sic), nous mourrons tous ici ».