Les ONG par Mark Schuller

Schuller est professeur agrégé d’Anthropologie et  de Développement du leadership des ONG à l’Université de Northern Illinois et affilié à la Faculté d’Ethnologie de l’Université d’Etat d’Haïti. Il a co-dirigé « Poto Mitan » et est l’auteur de Tectonic Shifts /Déplacements tectoniques (2012)  et  Killing with Kindness /Tuer avec gentillesse (2012).

Haïti est l’une des sociétés les plus complètement ONG-ifiées au monde. Il a souvent été dit qu’Haïti détient « le plus d’ONG per capita. » Etant donné leur grande visibilité et importance, les ONG sont devenues un sujet de conversation, d’analyse et de critique. Surtout après le séisme, Haïti est connu comme la « République des ONG ». Ceci est vrai non seulement parce que les organisations non gouvernementales (ONG) jouent des rôles de plus en plus centraux en Haïti,  comme ailleurs. En 2009, l’envoyé spécial des Nations Unies, Bill Clinton estima qu’il y avait 10,000 ONG travaillant dans le pays, mettant en question le sens du terme. Le plus souvent identifié par ce qu’elles ne sont pas, il y a eu plusieurs tentatives pour comprendre et exposer la variété toujours grandissante des structures privées. En Haïti, la première étude de longueur d’un livre des ONG fut conduite par des chercheurs sur les ONG affiliées à GRAMIR (Groupe Réflexion et Action dans le milieu rural), en 1989. Les auteurs ont conçu un schéma classificatoire en quatre parties, adapté légèrement par l’étudiant en maîtrise de la Faculté d’Ethnologie Sauveur Pierre Etienne, qui a capté les sentiments de plusieurs avec son titre provocateur (« L’invasion » des ONG). D’autres chercheurs haïtiens comme le feu Jean-Anile Louis-Juste, assassiné le 12 janvier 2010, ont poussé la critique encore plus loin.

Les ONG sont reconnues officiellement dans un décret de décembre 1982, modifié par Namphy en septembre 1989. De façon significative, les ONG doivent être apolitiques, à but non-lucratif, et doivent travailler pour le développement en utilisant des moyens spécifiques. Le Ministère de la Planification (MPCE) à travers un bureau spécifique appelé UCAONG est responsable de la reconnaissance officielle et la supervision des activités des ONG. Le nombre des ONG enregistrées avant le séisme était d’environ 400. Il y a eu une montée subite des NGO dans la période qui suivit le renversement de Duvalier dans la période de dechoukaj, et une autre montée  après la restauration de l’ordre démocratique en 1994.

Commencées comme  des structures volontaires privées, liées aux groupes religieux transnationaux et caractérisées par un sens partagé de missions, depuis le milieu des années 1990, les ONG commencèrent à éclipser le gouvernement en termes d’aide officielle au développement, surtout chez l’USAID, mais aussi chez d’autres donateurs bilatéraux. Avec cette aide, les ONG sont devenues professionnalisées et de plus en plus multisectorielles. Un directeur d’ONG affirma de façon candide, « Essentiellement, nous suivons l’argent. » Alors que les sources officielles éclipsèrent des dons volontaires, les ONG coururent le risque d’être instrumentalisées utilisant l’aide à d’autres fins, surtout pour implémenter les politiques étrangères officielles des donateurs. Les ONG sont vues aussi comme une des opportunités d’emploi les plus lucratives, en général payant trois fois le salaire des agences à l’intérieur du gouvernement haïtien. Des personnes évoquèrent une « classe ONG » insulaire. La tendance de support étranger aux ONG continua. Dans la première décennie du 21ème siècle, 90 pourcent des écoles et 80 pourcent des cliniques furent dirigés par des ONG. Dans certains endroits, surtout en zone rurale, les ONG ont largement remplacé l’Etat.

Evaluer les ONG demeure une tâche difficile à cause de leur nombre et leur diversité, et les multiples mandats qu’elles sont appelées à remplir. Les ONG  ont aussi des sens différents pour des personnes différentes. Cependant, surtout après le séisme avec des milliards de dollars promis en aide et peu de progrès concret, les ONG devinrent impopulaires en Haïti, le sujet de graffiti et de paroles de musique populaires. La coordination fut citée par les Nations Unies comme un défi majeur à l’intérieur du système des ONG, ainsi que le besoin de travailler sous l’autorité du gouvernement haïtien. Ces deux thèmes ont été constamment proposés depuis que les premières études des ONG furent commanditées dans les années 1980, mais devinrent plus visibles après le séisme. Ainsi, l’avenir des ONG en Haïti demeure incertain.